Salat
7 mars 2020

Dire le sermon (khutbah) en langue non-arabe

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على آله و أصحابه أجمعين

Question

Pouvez-vous nous donner le jugement de l’exécution d’une partie de la khutbah de la prière du vendredi en langue française ? Plus précisément, quelle est la position des malikites sur cela et quelles sont leurs preuves ?

Réponse

La khutbah est un pilier de la prière de jumu’ah, de sorte qu’il est obligatoire de l’accomplir avant la prière. Sans ce discours, destiné à exhorter et à rappeler, la prière de jumu’ah n’est pas valide. A ce titre, cette khutbah répond à des conditions et des formes qu’il est obligatoire d’adopter.

Une de ces conditions, comme l’ont retenu nos savants malikites, est que les deux khutbah prononcées à la jumu’ah soient exclusivement en langue arabe. Il n’est pas valable de prononcer une khutbah en langue arabe et de la traduire dans la seconde. Au contraire, les deux devront être exclusivement en langue arabe.

Dans son mukhtasar, l’imam Khalil a dit, indiquant les piliers de la prière de Jumu’ah : « Ainsi que de deux khutbah avant la prière, de ce que les arabes appellent khutbah. »

Par sa parole « de ce que les arabes appellent khutbah », il a renvoyé à la définition linguistique de la khutbah chez les lexicographes, sachant que cette définition concorde avec l’énoncé du Législateur, avec quelques ajouts tenant au contenu.

Dans Lisan al-‘Arab, Ibn Munzur a dit : « Abu Ishaq a comme opinion que la khutbah est pour les arabes : un discours en prose assonancé. » [1]

Cette définition appelle quelques remarques.

L’indication « discours» est un indicateur clair que la khutbah, tel que l’entendent les arabes, ne peut être qu’en langue arabe. En effet, à l’unanimité des grammairiens, seuls des mots prononcés en langue arabe reçoivent la dénomination de « discours ».

Al-Ramliy indique dans son commentaire d’al-Jurumiyyah : « On exclut donc de cette définition (du mot « discours) ce qui n’est pas en arabe, à l’exemple de paroles non-arabes. » [2]

Une autre de ses caractéristiques, qui est négligée de nos jours, est qu’elle soit en assonances sans constituer une poésie. Cela indique que celui qui la prononce doit faire concorder les sons des mots employés.

Par définition donc, la khutbah ne peut être qu’un discours en arabe. Nos savants malikites ont tiré la conclusion de cette définition et interdit l’emploi de toute autre langue dans cette adoration. Seule la langue arabe y est acceptée.

Al-Nafrawiy a dit dans ce sens : « Cette khutbah doit être un discours en assonances différent d’une prose simple et d’une poésie, de ce que les arabes appellent khutbah. Elle doit être en langue arabe, même si l’assistance est non-arabe. Elle doit être à voix haute, même si l’assistance est composée de sourds uniquement. » [3]

Une parole dite en langue non-arabe est considérée comme un bavardage interdit.

Dans sa glose sur Kifayah al-talib al-rabbaniy, al-‘Addawiy a dit : « Le fait qu’elle ne soit pas en langue arabe est considéré comme du bavardage. S’il n’y avait personne dans l’assistance qui comprenne l’arabe alors que celui qui la prononce connaît cette langue, elle demeurerait obligatoire. Si celui qui la prononce ne connaît pas l’arabe (la prière de jumu’ah) ne serait plus obligatoire. » [4]

Al-Zurqaniy a dit dans son commentaire du mukhtasar de Khalil : « Le fait qu’elle soit prononcée en langue non-arabe est un bavardage. » [5]

Or, dans le hadith que notre imam Malik a rapporté dans al-Muwatta, le prophète a dit : « Si tu dis à ton voisin « tais-toi » alors que l’imam fait la khutbah le jour de jumu’ah, tu as bavardé. » [6]

Que dire donc si c’est l’imam lui-même qui bavarde du haut de son minbar, faisant ainsi perdre la récompense de la jumu’ah à lui-même et à l’assistance ?

Prononcer la khutbah en langue non-arabe n’est donc pas permis dans l’école de Malik. Il est compris de cette règle qu’il est aussi interdit de traduire simultanément la khutbah de la langue arabe vers une autre, les paroles prononcées en langue non-arabe correspondant à un bavardage interdit. Cependant, cette pratique n’invalide pas la jumu’ah, en faisant uniquement perdre la récompense à l’assistance ainsi qu’à l’imam.

Enfin, faire une khutbah en arabe et en faire une seconde entièrement en langue non-arabe invalidera la prière de jumu’ah car les deux khutbah ont un caractère d’obligation selon l’opinion la plus solide.

Si on dit : faire la khubtah en langue non-arabe est une nécessité dans un pays non-arabe pour que l’assistance comprenne la leçon de l’imam.

On répond à cela : le but de la jumu’ah est tout d’abord d’adorer Allâh comme il l’a demandé. Si l’assistance en tire en bienfait, c’est par le suivi de la sunnah et non par l’effet des paroles de l’imam. C’est dans ce sens que la khutbah reste obligatoire devant une assistance qui serait entièrement sourde. Faudrait-il, sous prétexte de la nécessité, faire cette khutbah en langage des signes pour que l’assistance comprenne ? Un tel raisonnement fallacieux ferait dire demain qu’il est obligatoire de faire l’adhan ou encore la prière dans une langue que l’on comprend autre que l’arabe par nécessité !

Ensuite, il est le cas de dénoncer la pratique de la khutbah telle qu’elle est faite par de nombreux imams, en méconnaissance des règles linguistiques (l’assonance) mais aussi des recommandations qui vont avec elle. En effet, il est négligé une sunnah importante, celle de limiter la khutbah au nécessaire et de ne point la rallonger.

Le prophète a dit : « Le fait d’allonger la prière et de raccourcir la khutbah est le signe de la bonne compréhension de la religion d’un homme. Allongez la prière et raccourcissez la khutbah. » [7]

Si les khutbah, aussi bien dans leur contenu que dans leur forme, s’étaient limitées à ce que recommande la sunnah, il n’y aurait aucune lassitude de ceux qui écoutent. Mais au contraire, les imams ont pris l’habitude de faire des khutbah longues d’une demi-heure, sinon plus. Si ce temps avait été employé à expliquer aux musulmans de l’assistance les éléments de leur religion dans une langue qu’ils comprennent tous, l’objectif de la nécessité de compréhension serait accompli. A côté de cela, il aurait été possible de faire une khutbah exclusivement en langue arabe, respectant ses conditions et ses recommandations. En effet, la khutbah du prophète ne tient pas sur une page et la déclamer ne prend pas plus de dix minutes.

A ce titre, nous exhortons nos frères qui montent sur le minbar le jour de jumu’ah d’en respecter les règles et recommandations établies par nos savants. Il est plus appréciable de sortir de la divergence et de ne prononcer qu’une khutbah courte en langue arabe, après avoir expliqué en détails son contenu à l’assistance dans la langue qu’elle comprend.

وصلّى الله وسلّم على سيّدنا محمد وعلى آله


[1] Lisan al ‘arab, volume 1, page 423, éditions DKI.
[2] Sharh al-Jurumiyyah de al-Ramliy, page 58.
[3] Al-fawakih al-Dawaniy, volume 1, page 260, éditions Dar Ihya al-Kutub al-‘Arabiyyah.
[4] Hashiyah al-‘Addawiy ‘ala kifayah al-talib al-rabbaniy, volume 1, page 473, éditions Dar al-Kutub al-‘Ilmiyyah.
[5] Sharh al-Zurqaniy ‘ala Khalil, volume 2, page 102, éditions Dar al-Kutub al-‘Ilmiyyah.
[6] Al-Muwatta’, livre de la jumu’ah, chapitre portant sur le silence pendant que l’imam prononce la khutbah, page 73, éditions Maktabah Al-Safa. حَدَّثَنِي يَحْيَى ، عَنْ مَالِكٍ ، عَنْ أَبِي الزِّنَادِ عَنِ الْأَعْرَجِ ، عنْ أَبِي هُرَيْرَةَ أَنَّ رَسُولَ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ قَالَ : إِذَا قُلْتَ لِصَاحِبِكَ أَنْصِتْ وَالْإِمَامُ يَخْطُبُ يَوْمَ الْجُمُعَةِ فَقَدْ لَغَوْتَ
[7] Sahih Muslim, livre de la jumu’ah, chapitre de l’allégement de la prière et de la khutbah, page 209, éditions Alfa. إِنَّ طُولَ صَلَاةِ الرَّجُلِ ، وَقِصَرَ خُطْبَتِهِ ، مَئِنَّةٌ مِنْ فِقْهِهِ ، فَأَطِيلُوا الصَّلَاةَ ، وَاقْصُرُوا الْخُطْبَةَ

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