Nous ne connaissons pas de divorce qui se fasse en toute tranquillité et dans le calme. Le divorce prononcé sous la colère, qui est l’état habituel dans lequel on le prononce, est valable et valide.
En effet, le divorce nécessite quatre conditions.
L’imam Khalil a dit : « Ses piliers sont : habilitation, intention, capacité et formule. Le divorce est valable du musulman assujetti. »
L’homme en colère ne sort pas de cette définition. En effet, il reste assujetti aux lois de la shari’ah et peut exprimer une intention. Cette définition inclut donc l’homme en colère et n’exclut pas la validité du divorce prononcé dans cet état.
Dans le hadith rapporté par Abu Hurayrah, le Prophète ﷺ a dit : « A propos de trois choses, le sérieux est pris au sérieux et le badinage est pris au sérieux : le mariage, le divorce et le retour du divorce. » [1]
Si effectivement nos savants ont considéré que le divorce prononcé par l’homme ivre, d’une ivresse illicite, était valable, à fortiori celle d’un homme en colère ne fait point de doute.
Dans al-Muwatta, il est rapporté de l’imam Malik qu’il a dit : « Il nous est parvenu que Sa’id Ibn al Mussayab et Sulayman ibn al-Yassar ont été interrogés sur le divorce en état d’ivresse. Ils dirent : « Si l’homme ivre divorce, son divorce sera valable. Et s’il tue quelqu’un, on le tuera pour cela. » »
Malik a dit : « Cela est aussi notre avis. » [2]
Or, la colère ne peut faire arriver l’homme à un degré supérieur de perte de pondération auquel l’amène l’ivresse. Même en colère, l’homme reste assujetti aux règles de la shari’ah car nul n’a prétendu que la colère déchargeait de la prière.
Le qadiy Ibn ‘Arabiy a dit dans Ahkam al-Qur’an : « Celui qui se met en colère et fait le zihar ou divorce de sa femme, sa colère n’abolit pas la règle…La colère est un état qui ne lève pas la règle ni ne change la loi. » [3]
L’imam al-Dusuqiy a dit de son côté : « Le divorce de l’homme en colère est valable, même si elle est forte, contrairement à ce que disent certains. » [4]
Ar-Ruhuniy a dit : « On comprend du propos de l’auteur (à savoir Khalil Ibn Ishaq) qu’a fortiori, le divorce prononcé sous la colère est effectif. Il reste toujours soumis à la prière par consensus et il devra l’accomplir même sous le coup de la colère…. (‘Abdul Qadir al-Fassiy) a dit : « le divorce dans la majorité des cas se prononce sous la colère. » ... Ibn al-Murabit a dit : « si le divorce sous la colère n’était pas effectif, chacun pourrait dire à propos d’une action qu’on lui reproche ‘j’étais en colère.’ » » [5]
Dans Fath al-Bariy, le Hafiz Ibn Hajar a rapporté cette parole de Ibn al-Murabit et a dit : « Il vise par cela à réfuter la position de ceux qui prétendent que le divorce sous la colère n’est pas effectif, comme c’est rapporté de certains postérieurs parmi hambalites alors que personne ne les avait précédés dans cette position. » [6]
En réalité, la parole du Hafiz Ibn Hajar vise Ibn Taymiyya et Ibn Qayyim al-Jawziyyah qui se sont isolés des savants et ont émis une telle fatwa. Toutefois, il est clair que le divorce sous le coup de la colère est effectif, sans qu’il y ait eu aucune position discordante entre les savants, comme le rappelle Ibn Hajar.
Dans al-Nawazil al-Kubra, le shaykh al-Wazzaniy a rapporté que le shaykh Hassan al-Ma’daniy fut interrogé à propos de ceux qui prétendaient que le divorce sous la colère n’était pas effectif et attribuaient cet avis à Ibn al Qasim. Il répondit : « La réponse est que le divorce sous l’effet de la colère est valide, de même que le divorce par trois fois ou moins. Sur ce point, nous ne connaissons pas de divergence et nous ne disons pas le contraire de cet avis. Quiconque dit un avis contraire, nous n’accordons aucun crédit à sa parole, qui qu’il soit. Le madhhab a des gardiens qui en chassent ceux qui veulent y introduire ce genre d’avis. Si un tel avis était suivi et qu’on donnait fatwa selon lui, cela conduirait à un malheur irréparable.
Le divorce est valable sous la colère ou sans elle, de même qu’il est valable avec l’intention de se marier avec une quatrième épouse ou toute autre chose. Quant à la parole rapportée de Ibn al Qasim, elle s’applique au chapitre des vœux et non à celui de divorce, d’après ce qu’on a consulté des savants qui l’ont rapportée comme Ibn Rushd et Ibn Bashir. Al-Mawwaq l’a par ailleurs mentionné dans le chapitre des vœux, quand il a évoqué le vœu fait sous la colère. Quant au divorce, cette colère n’est pas prise en compte et c’est ce dont nous avons connaissance. » [7]
Répondit de même le shaykh Ahmed al-Shidadiy à cette question : « Sur cette question, nous n’avons jamais vu ce que tu as mentionné dans aucun des livres connus sur lesquels on se base. Ne lui prête donc pas ton oreille. N’agis pas selon cette parole et ne lui prête aucune attention. Le divorce sous le coup de la colère est valable. Dans le Mukhtasar, il est dit : « Le divorce est valable du musulman assujetti. » L’homme sous la colère reste assujetti sans aucun doute ! Et nous ne connaissons personne qui ait limité l’énoncé du Mukhtasar à la colère. Plutôt, dans (le Mukhtasar de) Ibn ‘Arafah, se trouve, dans le chapitre des vœux, ce qui réfute la parole que tu as évoquée. Cette parole n’est pas authentique et elle n’est pas avérée. Le texte en question est : « Selon Ibn Rushd : le vœu sous la colère lie la personne, de même que son serment à l’unanimité. » Al-Mawwaq a dit, en commentaire du Mukhtasar au passage du livre des vœux « même sous la colère » : c’est-à-dire le serment. Cet énoncé est absolu pour le serment par Allah ainsi que pour le divorce soumis à condition ou à toute autre chose. » [8]
Or, contrairement à ce que répandent certains, l’avis sur lequel ont toujours été les sommités de la fatwa dans les quatre écoles est l’occurrence et l’effectivité du divorce prononcé sous la colère. Propager de tels avis isolés, prônant que la colère abolit l’effectivité du divorce, participe à la banalisation de la fornication sans aucun doute.
Il est rapporté de notre Imam Malik qu’il a dit : « La pire des sciences est la science étrange. Et la meilleure des sciences est la science connue, celle que rapportent les gens. » [9]
Et Allah demeure le plus savant.
وصلّى الله وسلّم على سيّدنا محمد وعلى آله
[1] Rappporté par al Tirmidhiy et Abu Dawud.
.عَن أَبِي هُرَيرَةَ قَالَ : قَالَ رَسُولُ اللَّهِ - صلى الله عليه وسلم" ثَلَاثٌ جِدٌّهُنَّ جِدُّ وَهَزلُهُنَّ جِدُّ: النِّكَاحُ، وَالطَّلَاقُ، وَالرَّجعَةُ
[2] Muwatta, livre du divorce, chapitre général sur le divorce.
وحدثني عن مالك أنه بلغه أن سعيد بن المسيب وسليمان بن يسار سئلا عن طلاق السكران فقالا إذا طلق السكران جاز طلاقه وإن قتل قتل به قال مالك وعلى ذلك الأمر عندنا
[3] Ahkam al quran, volume 4, page 190, éditions DKI.
[4] Hashiyah al-Dusuqiy ‘ala al-Sharh al-Kabir, volume 3, page 577, éditions Dar al-Fikr.
[5] Hashiyah al-Ruhuniy ‘ala sharh al-Zurqaniy, volume 4 page 77 à 79.
[6] Fath al-Bariy, volume 12, page 75, éditons DKI.
[7] Al-Nawazil al-Jadidah al-Kubra, volume 4, page 3 et 4.
[8] Ibid.
[9] Tartib al madarik, volume 1, page 184, éditions DKI