Le gel hydroaloccolique est une substance qui, comme son nom l’indique, contient de l’alcool. En l’occurrence, cet alcool est éthylique, produit de manière industrielle, et entre dans l’essentiel de sa composition. La question revient donc à savoir si l’alcool produit de manière industrielle est une impureté.
En effet, ce n’est pas en lui-même l’alcool qui est considéré comme une impureté dans notre école, mais tout enivrant liquide. Toute substance liquide qui, en grande quantité, est susceptible de faire perdre à l’individu son discernement en l’enivrant, est par nature impure, même s’il n’enivre pas en petite quantité. Il est donc indifférent que la substance en question soit produite de manière artificielle ou par des fruits ou graines.
Dans al Tawdih, l’imam Khalil a dit : « Sa parole [sauf l’enivrant] indique qu’il est impur, qu’il provienne du raisin ou d’autre chose. Ceci est l’avis mashhur, différemment de celui de Ibn Lubabah et de Ibn Haddad qui disent que le vin est pur. Le premier avis est plus juste à cause de la parole d’Allah « le vin, les jeux de hasard, la divination et les idoles sont une souillure de l’œuvre de shaytan ». La souillure est l’impureté. La parole indiquant leur pureté reviendrait à rendre licite leur utilisation. Or, le but de la législation est de s’en éloigner entièrement.
Note : […] Le caractère enivrant implique trois règles, différemment des intoxicants et des anesthésiants : la sanction pénale, l’impureté et l’interdiction d’en consommer une petite quantité. » [1]
As Sawiy a dit : « [il s’agit d’une impureté qui oblige la sanction] la réalité de l’enivrant est qu’il soit un liquide qui fait perdre l’esprit, en s’accompagnant de tristesse ou de joie, qu’il soit produit du jus de raisin, auquel cas on l’appelle vin, ou de toute autre chose, auquel cas on l’appelle nabidh. Il implique la sanction pénale ainsi que l’interdiction d’en consommer en petite comme en grande quantité, même si dans les faits il n’abolit pas la raison. » [2]
Il est clair de leurs paroles qu’il est indifférent que l’enivrant soit produit du vin ou qu’il soit fait de manière industrielle dans un laboratoire. Si la cause de son caractère impur est présente, à savoir le fait qu’il enivre en grande quantité, toute substance liquide doit être considéré comme enivrant impur.
Le gel hydroalcoolique est produit à partir d’alcool ethylique ou isopropolyque, selon les données de l’Organisation Mondiale de la Santé [3]. Ces deux alcools sont tous deux enivrants, même l’isopropanol. Le gel hydroalcoolique prend donc la qualification d’une substance contenant une impureté.
De sorte, s’en enduire pour la prière ou le tawaf, si c’est fait sans oubli, rend cette adoration invalide par le fait de porter sur soi une impureté. En dehors de la prière et du tawaf, le porter sur soi n’est pas interdit mais fortement désapprouvé.
L’imam Dardir a dit : « Il ne s’en enduira pas (de l’impureté), partant de la supposition que mettre sur le corps un élément contenant une impureté est interdit. Mais l’avis préférable est que c’est détestable et qu’il sera obligatoire de l’enlever pour la prière, le tawaf et l’entrée dans une mosquée » [4]
Il sera tout autant interdit d’introduire ce gel dans une mosquée, sachant l’interdiction d’y faire entrer toute substance impure.
Contrairement à ce que l’on entend ça et là, une telle question n’est pas nouvelle parmi les savants. En effet, au-delà des preuves tirées du coran et de la sunna sur l’impureté de l’enivrant, les savants ont été saisis, dès les premières générations, de l’utilisation de l’alcool hors de sa destination alimentaire. Plutôt, ils ont été consultés sur son utilisation comme parfum par exemple, après mélange avec d’autres substances, et n’ont pas cessé d’affirmer l’impureté de telles choses.
Dans le Musannaf de ‘Abd Razzaq, Ma’mar a rapporté de al Zuhriy qu’il a dit : «‘Aishah interdisait aux femmes de se coiffer avec un produit contenant un enivrant » [5]
Jabir ibn Zayd, un des imams du salaf et élève de ibn ‘Abbas fut interrogé sur la lie du vin, s’il était possible de s’en enduire ou de l’utiliser comme médicament.
Il répondit : « C’est une impureté et Allah nous a ordonné de nous en écarter » [6]
Une position similaire a été rapportée de sahaba comme ibn ‘Umar ou Hudhayfah et de nombre de salafs.
Il a été prétexté aussi que le madhhab de notre maître Abu Hanifah considérait une telle substance pure et qu’il serait possible d’en user dans la prière.
Une telle assertion est fausse car dans cette école, les deux avis portant sur les liquides enivrants indiquent clairement leur impureté, même s’il ne s’agit pas d’un vin tiré du raisin et de ce qui y ressemble. En effet, selon un avis du madhhab hanafi, il convient de faire la différence entre l’alcool tiré du vin, du blé et de l’orge et d’autres types alcool.
Or, même selon ce deuxième avis, il n’en demeurerait pas moins que l’alcool est une impureté lourde dont il faut se débarrasser avant la prière.
Dans al Durr al Mukhtar, al Haskafiy a dit, dans le chapitre des substances impures : « [et le vin] quant aux autres boissons, il y a trois avis à leur propos : qu’ils sont des impuretés lourdes, légères ou qu’ils sont purs »
Commentant cette parole, Ibn ‘Abidin a dit : « Il me semble que l’avis meilleur parmi ces trois est qu’ils sont une impureté lourde selon la parole de l’imam (Muhammad Ibn Hassan). L’opinion qu’ils sont une impureté légère est celle des deux autres (Abu Hanifah et Abu Yusuf). Et l’opinion de la pureté se rapporte uniquement aux boissons licites. Donc, il faut déclarer comme avis préférable que tout enivrant est une impureté lourde. Le prouve ce qui est dans gharar al afkar, au chapitre des boissons : « Ces boissons rejoignent l’alcool, selon Muhammad (Ibn Hassan al Shaybaniy) dans toutes ses règles sans doute. C’est cela qu’il faut donner comme fatwa à notre époque ». Sa parole [ses règles sans doute] implique que ces enivrants sont des impuretés lourdes » [7]
En d’autres termes, l’enivrant liquide pour les hanafis est impur à l’unanimité, en plus qu’il soit interdit d’en consommer le peu comme la grande quantité pour l’avis de la fatwa.
Il n’y a pas de divergence que ces enivrants sont impurs, la divergence se situant uniquement pour savoir s’il s’agit d’une impureté lourde ou légère, selon les conclusions du shaykh Ibn ‘Abidin al Shamiy.
Et Allah demeure le plus savant en toutes circonstances.
[1] Al tawdih, volume 1, page 22, éditions markaz najeebwayh
[2] Bulghah al salik, volume 1, page 18, éditions dar al fikr
[3] Formulations des Produits hydro-alcooliques recommandés par l’OMS
[4] Sharh al Saghir ‘ala aqrab al masalik, volume 1, page 58, éditions dar al ma’arif
[5] Musannaf ‘Abd al razzaq, chapître portant sur la femme se coiffant avec du vin
عبد الرزاق ، عن معمر ، عن الزهري قال : " كانت عائشة تنهى أن تمتشط المرأة بالمسكر".
[6] Musannaf Ibn Abi Shaybah, chapître portant sur la lie du vin après fermentation
حَدَّثَنَا يَزِيدُ بْنُ هَارُونَ ، عَنْ حَبِيبٍ ، عَنْ عَمْرِو بْنِ هَرِمٍ ، قَالَ سُئِلَ جَابِرُ بْنُ زَيْدٍ عَنْ دُرْدِيِّ الْخَمْرِ ، هَلْ يَصْلُحُ أَنْ يُتَدَلَّكَ ، بِهِ فِي الْحَمَّامِ أَوْ يُتَدَاوَى بِشَيْءٍ مِنْهُ فِي جِرَاحَةٍ أَوْ سِوَاهَا قَالَ هُوَ رِجْسٌ وَأَمَرَ اللَّهُ تَعَالَى بِاجْتِنَابِهِ
[7] Radd al muhtar ‘ala al durr al mukhtar, volume 1, page 525, editions DKI