As salamu ‘alaykum,
Je voudrais une réponse argumentée s’il vous plaît car je trouve tout et son contraire. Ma question est de savoir si le niqab fait vraiment partie de l’Islam. Les sites malikites que j’ai consultés en français disent tous que ce n’est pas le cas alors que d’autres frères affirment le contraire. Pourriez-vous détailler cette question et apporter une réponse selon les sources malikites ?
Wa ‘alaykumus salam,
Tout d’abord, sachez que la parole de toute personne prétendant parler au nom de l’Islam doit être sourcée et prouvée. Il ne suffit pas de se dire malikite pour effectivement répondre selon le noble madhhab de l’imam Malik. Ayez dorénavant le réflexe d’exiger la source des paroles de ceux qui, en langue française ou autre, prétendent parler au nom de cette école. Cette démarche n’est en rien un manque de convenance. Il est vrai que les savants ont déclaré qu’il n’était pas demandé au muftiy d’expliquer sa preuve à celui qui lui pose une question et qu’il était un manque de convenance pour le questionneur de l’exiger de lui. Mais il faut comprendre que cette injonction est adressée à celui qui interroge un mujtahid qui tire ses règles directement des sources primaires. Quant à celui qui n’a pas atteint ce degré d’ijtihad minimal, il n’est en rien un manque de convenance d’exiger de lui les sources de ses paroles pour vérifier que sa parole est en conformité avec celle des mujtahid. Par ce degré minimal, nous entendons le degré par lequel le muftiy peut faire l’analogie avec une question existante quand il est saisi d’une question nouvelle.
Or, il est évident que très peu parmi les savants malikites ont atteint ce degré à notre époque. De sorte, ayez le réflexe de demander la source des assertions, au risque de voir des contrevérités graves être considérées comme des positions de l’école malikite. Ceux-là doivent effectivement s’en tenir aux paroles des savants de cette école car cette école n’appartient à personne d’autre qu’à ceux qui ont usé leur vie à en établir les bases et à en extraire les branches. Nous considérons que toute parole dite par un mujtahid du madhhab, quel que soit le niveau d’ijtihad qu’il a atteint, nous impose son suivi car nous reconnaissons n’être point sortis du niveau du suivi.
S’il est rapporté de l’imam al Maziriy qu’il ne se prononçait pas sur une question quand il n’avait pas trouvé de précédent parmi les savants du madhhab, et cela, malgré son grand niveau dans les différentes sciences islamiques, il est clair que la position adoptée par un des savants de l’ijtihad ou du tarjih antérieurs nous lie et qu’il nous est obligatoire de l’adopter et de l’appliquer. Il est de même possible pour tout le monde de vérifier le scrupule des savants, à l’image du chaykh al Hattab, quand une question leur survenait. Avant toute chose, ils observaient si un quelconque savant du madhhab n’avait pas traité cette question. Cela est avéré par la mention fréquente que l’on trouve dans leurs ouvrages « je n’ai trouvé aucun texte dessus ». Le summum de leur scrupule est qu’ils s’abstenaient de répondre quand ils ne trouvaient pas de texte, même si leur science le leur permettait, de crainte d’ introduire dans l’école ce qui n’en faisait pas partie. De sorte, comment est-il imaginable qu’une personne qui se réclame de ces savants scrupuleux délaisse les textes clairs de l’école pour divaguer et induire les gens en erreur sur des questions portant sur leur religion ? Les savants antérieurs ne nous ont pas dépassés uniquement par leur science mais surtout par leur scrupule quand ils s’exprimaient sur la religion et le fait qu’ils reconnaissaient les plus savants qu’eux, malgré leur haut niveau.
Pour revenir à votre interrogation, sachez d’abord que ce que vous appelez le niqab est habit issu de la culture et qui désigne un habit qui couvre le corps et le visage. L’Islam n’a pas imposé un type d’habit et le niqab est spécifique aux gens de la péninsule arabique. Ce qu’il est question de discuter en revanche, c’est bien le fait de se couvrir le visage pour la femme, peu importe l’habit et le moyen utilisé.
Sachez donc que le fait de se couvrir le visage existe bel et bien dans l’Islam. L’existence de cette pratique ne fait aucun doute pour le musulman et n’est pas l’objet d’une divergence car se couvrir le visage pour la femme est mentionné textuellement dans le coran. Par ailleurs, nous profitons de cette question pour couper court à tous les débats menés par les ignorants qui prétendent que se couvrir la tête n’est pas une pratique islamique mais issue de la culture. La réponse que nous donnons infra servira à réfuter ces deux assertions. Allah a indiqué dans le coran l’obligation pour la femme de se couvrir la tête et, par la même occasion, a indiqué que se couvrir le visage est un acte faisant partie intégrante de l’Islam. Allah a dit en effet :
« O prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des musulmans de baisser leur jilbab (singulier de jalabib) sur elles. » [1]
Celui qui prétend que se couvrir le visage n’est pas une pratique islamique ne fait que confirmer son ignorance des sens du coran et son incapacité à s’exprimer sur la religion. Par ce verset, Allah a indiqué que le fait de se voiler le visage est une injonction. En effet, le mot jilbab, dans la langue arabe, a comme sens un habit qui couvre le corps de la femme en entier, le visage et les mains compris. Le sens de ce mot ne relève pas d’une compréhension subjective mais vient exclusivement de la langue arabe telle que la comprenaient les arabes de cette époque. Par ce verset, Allah a enjoint aux musulmanes à baisser leur jilbab car les arabes polythéistes avaient l’habitude, après avoir porté cet habit qui couvrait leur visage, de le remonter de sorte à montrer leurs atours physiques. Allah a ainsi indiqué aux musulmanes de ne pas suivre cette pratique et de se couvrir entièrement le corps, y compris le visage et les mains.
Le jilbab est donc un habit qui couvre totalement la tête et cette injonction est une preuve incontestable sur l’obligation pour les femmes de se voiler la tête. Pour établir le sens des mots inhabituels du coran, la poésie des arabes de la Jahiliyyah est la source la plus probante. En effet, ces poètes étant à la base des polythéistes, il est impossible de les accuser d’un quelconque parti pris pour interpréter les termes de la langue arabe dans un sens ou dans un autre. De plus, la pureté de leur langue et leur profonde maîtrise de l’éloquence sont le gage de leur utilisation exacte des mots dans leur contexte.
Ainsi donc, parlant de la canitie qui recouvre la tête de cheveux blanc, Junub bint ‘Ajlan la sœur de ‘Amr dhi kilab a dit :
Jusqu’à ce que la tête se vêtisse d’un voile gris
qui est le jilbab le plus exécrable pour qui s’en vêt
Cette poétesse a clairement indiqué par ce vers que le jilbab en question est un habit qui voile la tête. Elle compare justement la canitie à un jilbab du fait qu’elle recouvre la tête d’un voile de cheveux blancs. Il est donc totalement établi que l’obligation qu’Allah fait à la femme de se voiler dans le coran implique qu’elle couvre sa tête car le jilbab est par nature un vêtement qui couvre la tête.
En plus de la tête, le jilbab couvre aussi le visage et par ce verset, Allah a établi le fait que se voiler le visage est légiféré dans notre religion.
Le mot jilbab a une seule occurrence dans le coran et y désigne un habit. Mais dans la langue arabe, l’origine de ce mot désigne plutôt le fait de couvrir quelque chose en entier. La racine est jalaba( جلب). Ce mot offre des sens qui justifient l’usage que les arabes ont fait du mot jilbab pour indiquer un habit qui couvre le corps en entier, y compris le visage et les mains.
Dans Taj al ‘Arus, l’auteur a dit :
« Al Asma’iy a dit : « quand une blessure se recouvre de peau et se guérit, on dit : « elle a fait jalaba. » » » [2]
Il dit de même :
« « Julbah » indique la couche de peau qui recouvre entièrement la blessure quand elle est guérie […] Cela désigne aussi un nuage. De sorte qu’il a été dit : « Il n’y a pas de Julbah dans le ciel » c’est-à-dire, pas de nuage qui le recouvre » [3]
La racine jalaba désigne dans ces emplois cités le fait de recouvrir quelque chose complètement. Le poète a dit dans ce sens :
Bienvenue à cet invité qui vient quand la porte est ouverte
drapé dans le jilbab de la nuit noire
Ce sens est aussi clair dans la sunnah où l’occurrence de la racine jalaba est plus fréquente que dans le coran.
Dans le hadith rapporté par les deux shaykh, lors du pacte de Hudaybiyah, les mecquois posèrent comme condition :
« ...qu’ils ne restent à la Mecque que trois nuits et n’y entrent qu’avec leurs armes dans les fourreaux (julbân)… » [4]
Le terme employé pour désigner un fourreau (julban) ici a comme racine jalaba. L’étymologie montre que l’emploi de la racine jalaba fait référence au fait que le fourreau recouvre complètement la lame d’une arme.
Un des sens usités de cette racine jalaba recoupe le fait de couvrir une chose dans son ensemble sans exception, que cette chose soit une plaie recouverte par une croûte de peau, un ciel recouvert par un nuage ou encore une épée recouverte par son fourreau.
C’est dans ce sens que le mot jilbab a été utilisé dans le coran, au verset susmentionné. Son sens n’est rien d’autre qu’un habit qui recouvre le corps entier, y compris le visage et les mains.
L’auteur de Lisan al ‘Arab a dit :
« Ibn al A’rabiy a dit : le jilbab est un izar [… ]. Al Azhariy dit : « Le sens de la parole de Ibn al A’rabiy « le jilbab est un izar » ne vise pas à dire qu’il s’agit d’un izar dont on se ceint. Plutôt, il visait un izar qui drape entièrement et qui recouvre l’ensemble du corps. Cela s’apparente à l’expression « le izar de la nuit ». Cela désigne aussi une couverture qui enveloppe totalement le dormeur et lui recouvre le corps entièrement. »[5]
Dans Taj al ‘Arus, al Zubaydiy a dit :
« Jilbab : c’est un mot qui peut être masculin ou féminin. Il s’agit d’un qamis dans l’absolu. Certains ont précisé qu’il s’agit de tout ce qui recouvre le corps en entier. Al Jawhariy l’a décrit comme étant la milhafah. Dans Lisan al ‘Arab, il est dit que le jilbab est un habit plus ample que le khimar mais en dessous du rida’, avec lequel la femme se couvre la tête et le torse. » [6]
Le sens de ce mot jilbab est donc clair pour les lexicographes, il s’agit d’un habit qui couvre le corps en entier. Quant à la divergence qui est exprimée pour savoir s’il s’agit d’un izar, d’une milhafah, d’un rida’ ou autre, elle est sans incidence sur la description de l’habit comme vêtement couvrant le corps en entier. En effet, tous ces habits mentionnés couvrent le corps en entier, le visage et les mains compris comme l’indique la spécification de al Azhariy sur la définition du Izar. La divergence ne naît que pour savoir s’il s’agit d’un habit qui recouvre d’autres habits ou s’il s’agit d’un habit porté directement sur le corps.
Dans al Nazm wa al Durar, al Biqa’iy a dit :
« Le jilbab est le qamis, un habit ample qui est en dessous de la milhafah que porte la femme. Quant à la milhafah, c’est ce qui couvre du regard des gens. Quant au khimar, c’est ce qui couvre la tête. Al Baghawiy a dit : « le jilbab est un habit complet qui couvre la femme complètement et qu’elle porte au-dessus de son voile ou de son khimar ». Hamzah al Karmaniy a dit : « Khalil a dit : « Le jilbab est tout ce dont on se sert pour couvrir ses habits, ses cheveux et son manteau. » »
En réalité, il est possible d’accepter tous ces sens ici. En effet, si on comprend qu’il s’agisse d’un qamis, le rabaisser revient à le rendre ample jusqu’à couvrir les mains et les pieds. S’il s’agit de ce qui couvre la tête, le rabaisser reviendra à juste couvrir le visage et le cou. Et si ce qui est visé est ce qui couvre les habits, le rabaisser reviendra à l’allonger et à le rendre ample jusqu’à ce qu’il couvre l’ensemble du corps et des habits. Et si enfin on vise ce qui est dessous de la milhafah, cela reviendra à couvrir le visage et les mains » [7]
Il n’est donc pas incongru, au vu de l’étymologie et du sens du mot, que les savants du tafsir aient tous compris que le jilbab est un habit qui couvre le visage et peut correspondre donc à ce que l’on nomme niqab de nos jours. Cette compréhension est celle qui est développée par les savants sunnites, toutes écoles confondues.
Le mufassir malikite du quatrième siècle de la hijrah, le chaykh Makkiy ibn Abi Talib a dit :
« Sa Parole « O prophète dis à tes femmes, à tes filles et aux femmes des musulmans… » c’est-à-dire : dis-leur de rabaisser leur rida’ sur elles de sorte qu’elles ne soient pas confondues avec les esclaves par leur vêtement quand elles sortent car celles-ci découvrent leurs cheveux et leur visage. Plutôt, qu’elles rabaissent leur jilbab de sorte que les pervers ne se présentent pas à elles. Ibn ‘Abbas a dit à propos du sens de ce verset : « Allah a ordonné aux femmes croyantes, quand elles sortent de leurs maisons pour un besoin, qu’elles se couvrent leur visage de dessus leur tête par un jilbab et qu’elles ne découvrent qu’un œil. » » [8]
Ibn Juzzay al Gharnatiy a dit :
« « O prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des musulmans de baisser leur jilbab sur elles » Les femmes arabes avaient l’habitude de se découvrir le visage comme le faisaient les esclaves. Ceci était un appel pour que les hommes les regardent. Allah a ensuite ordonné qu’elles rabaissent leur jilbab pour en couvrir leur visage » [9]
L’imam al Qurtubiy a dit :
« La Parole d’Allah « de leurs jilbab » jalabib est le pluriel de jilbab. Il s’agit d’un habit plus grand que le khimar. Il a été rapporté de Ibn ‘Abbas et de Ibn Mas’ud que c’est un rida’. Il a été dit aussi que c’est le qina’. Le plus probant est que c’est un habit qui couvre le corps en entier. Dans le Sahih de Muslim, Umm ‘Atiyyah a dit : « O messager d’Allah, si une d’entre nous n’a pas de jilbab ? » il répondit : « Que sa sœur la vête de son jilbab. » »
Les gens ont divergé sur la manière de rabaisser le jilbab. Ibn ‘Abbas a dit, ainsi que ‘Ubaydah al sulamaniy : « La manière est que la femme le fasse glisser jusqu’à ce que n’apparaisse d’elle qu’un seul œil avec lequel elle voit. » Ibn ‘Abbas a dit de même, ainsi que Qatadah : « La manière est qu’elle le fasse glisser sur son front et qu’elle l’attache. Ensuite, elle le rabattra sur son nez, même si ses deux yeux apparaissent. Cependant, elle devra en couvrir sa poitrine et la majorité de son visage. » [10]
Ibn ‘Ajibah al Hassaniy a dit :
« Allah a dit : « O prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des musulmans de baisser leur jilbab sur elles » c’est-à-dire qu’elles rabaissent sur leur visage leur jilbab et qu’elles en couvrent leur visage. Et le jilbab désigne ce qui couvre tout, comme la milhafah. Le sens du verset est : « dis aux femmes libres de rabaisser leur rida’ et leur milhafah et d’en recouvrir leur visage et leur tête. » [11]
Al Nasafiy a dit :
« Le jilbab désigne ce qui recouvre tout, à l’image de la milhafah qui recouvre du froid. Et le sens de « qu’elles rabaissent sur elles leur jilbab » est qu’elles le rabaissent sur elle et s’en couvrent le visage et les flancs » [12]
Fakhr al Raziy a dit de son côté :
« Les femmes libres de la jahiliyyah ainsi que les esclaves sortaient découvertes et les fornicateurs essayaient de les payer (pour commettre la fornication). Allah a donc ordonné aux femmes libres de porter un jilbab. Sa Parole : « Cela est plus à même qu’elles soient reconnues et ne soient pas importunées ». Il a été dit que cela signifiait qu’elles soient reconnues comme femmes libres et qu’on n’essaye pas de leur proposer un prix pour la fornication. Il se peut que ce qui est visé soit le fait qu’on sache qu’elle ne forniquent pas car celle qui se voile le visage, en sachant qu’il ne s’agit pas d’une ‘awrah, on ne peut escompter qu’elle découvre sa ‘awrah. On reconnaît par cela donc qu’elles sont des femmes couvertes par pudeur et qu’on ne peut leur proposer la fornication » [13]
De même, Abu Bakr al Jassas a dit en expliquant le même verset :
« Abu Bakr (ar Raziy) a dit : « ce verset est la preuve qu’il a été ordonné aux jeunes femmes de se couvrir le visage du regard des hommes étrangers et de montrer qu’elles sont couvertes et vertueuses de sorte que les gens de peu de vertu ne les importunent quand elles sortent. » » [14]
Il est clair que l’existence du fait de se voiler le visage dans l’Islam ne fait pas l’objet d’une divergence parmi les savants musulmans [15]. Et cette existence ne trouve son origine que dans le coran qui mentionne explicitement l’injonction faite aux musulmanes de se recouvrir leur visage.
Cette injonction est ainsi appliquée dans les quatre écoles de fiqh qui ont reconnu l’obligation pour la femme de couvrir son visage. Cette obligation pour certaines écoles est liée à une cause et pour d’autres, est générale.
Il convient ici d’éclaircir une erreur qui est faite souvent sur cette question. En effet, certaines personnes qui s’expriment sur le sujet partent du postulat que le visage de la femme n’est pas une ‘awrah. De sorte, pour eux, il en découle qu’il n’y a aucune obligation ni recommandation de le voiler.
Ce raisonnement est bien sûr faux. Il est vrai que le visage de la femme n’est pas une ‘awrah, selon l’avis de la quasi-unanimité des savants. Un avis est rapporté de l’imam Ahmed qu’il considérait toute la femme comme ‘awrah, y compris son visage. Certains savants de son école ont adopté cet avis même si l’avis de l’école hambalite donne plus de consistance à la seconde version qui est rapportée de l’imam et considère donc que le ‘awrah de la femme n’inclut pas le visage et les mains.
Si donc la plupart des savants sunnite considère que le visage n’est pas une ‘awrah, le fait de le couvrir ne relève pas de l’obligation de se couvrir la ‘awrah mais plutôt d’une obligation relevant d’une cause indépendante. Cette cause peut être diverse selon les quatre écoles. Mais le fait de prouver que le visage n’est pas une ‘awrah n’implique pas qu’il soit licite de le découvrir pour la femme en tout temps. Bien au contraire, les écoles sunnites demandent aux femmes, selon les circonstances, de se couvrir le visage tout en reconnaissant qu’il n’est pas une ‘awrah.
Dans al Taj wal iklil, al Mawwaq a dit : « Ibn Mahraz a dit : « le visage de la femme n’est pas une ‘awrah selon Malik et bien d’autres parmi les savants. » » [16]
Et donc, quand les savants indiquent que le visage de la femme est une ‘awrah, c’est uniquement par un abus de langage. Ce qui est visé par cette expression est que soit, il est interdit à un homme étranger de le regarder avec désir, soit qu’il lui est obligatoire de le couvrir.
Cette obligation pour la femme de se couvrir le visage a comme cause extérieure, pour les malikites, le fait que la femme soit jeune et attirante de sorte que la découverte de son visage puisse susciter un trouble dans la société. Ce trouble doit être compris tout d’abord par l’excitation du désir des hommes. Mais il n’est pas à exclure que ce trouble puisse être toute tentative par laquelle la femme va être importunée comme l’indique la circonstance de révélation du verset.
En résumé, trois faits rendent obligatoire pour la femme le voilement de son visage :
L’imam Ahmed Zarruq a dit : « Quant à l’homme non-musulman (dhimmiy), il ne lui est permis de rien voir de la femme musulmane » [17]
Il dit de même, commentant les propos de l’auteur de la Waghlisiyyah : « [la femme est entièrement ‘awrah] quand elle est jeune ou peu âgée et d’une beauté appréciable. Il ne lui est pas permis dans ce cas de dévoiler d’elle ne serait-ce qu’un cheveu [si ce n’est son visage et ses deux mains] c’est-à-dire si elle n’est pas susceptible d’attiser le trouble. Sinon, il lui sera obligatoire de couvrir son visage et ses mains, de peur des préjudices pour les gens. » [18]
De même, cet imam mujtahid considère que le fait de se voiler le visage est recommandé pour celles qui ne sont pas concernées par son obligation. Il dit en effet :
« [Quant au visage, il n’est pas une ‘awrah] car le désir ne lui est pas lié. Mais cela dépend de la pratique des gens de chaque pays. Il n’est pas obligatoire à la femme de couvrir son visage, même si le fait de le couvrir est plus appréciable [sauf si elle est belle ou jeune] et que donc elle créé le trouble » [19]
Dans mawwahib al jalil, l’imam al Hattab a dit, en commentaire des propos de l’imam Khalil ibn Ishaq :
« [(la ‘awrah de la femme libre) avec un homme étranger (est tout ) sauf le visage et les mains] Sache donc que si on craint un quelconque trouble de la part de la femme, il lui sera obligatoire de couvrir son visage et ses mains, comme l’a dit le Qadiy ‘Abdul Wahhab. Le chaykh Zarruq a mentionné cet avis venant de lui dans son commentaire de la Risalah et c’est le sens apparent de ce qu’il y a dans al Tawdih. » [20]
An Nafrawiy a dit dans son commentaire de la Risalah :
« Quant à la jeune femme…il ne lui pas permis de sortir dans une époque où on craint pour elle le mal des hommes. Elle ne sortira qu’en étant en habit complet, en s’éloignant des hommes quand elle marche. Elle ne se parfumera pas et devra même exagérer dans la couverture de ce qu’il n’est pas permis de voir comme les bras et les pieds. Cependant, elle ne couvrira pas ses mains et son visage sauf si elle est d’une certaine beauté ou que l’époque soit particulièrement perverse. Dans ce cas-là, il lui sera obligatoire de se couvrir, y compris le visage et les mains. » [21]
L’imam ‘Abdul Baqiy al Zurqaniy a dit, commentant les propos de l’auteur du Mukhtasar :
« Et la ‘Awrah de la femme libre [devant] un homme [étranger] musulman, même son esclave selon ce qui est plus probant, est, conformément à la possibilité de regarder est tout [sauf le visage et les mains]
[…] Notre précision [homme étranger musulman] exclut de fait le mécréant sauf son propre esclave. En effet, sa ‘awrah avec le mécréant est tout son corps y compris son visage et ses mains, comme nous l’avons déjà dit. » [22]
Le chaykh ‘Illish a dit de son côté : « [Et] la ‘awrah de la femme libre [avec] un homme [étranger] musulman est tout son corps [sauf le visage et les mains] que ce soit la paume ou le dos. Le visage et les mains ne sont pas une ‘awrah et il lui est permis de les dévoiler à un homme étranger et ce dernier peut les regarder s’il ne craint pas le trouble. Cependant, si un trouble est craint par ce biais, Ibn Marzuq a dit que le mashhur du madhhab est qu’elle devra les couvrir. ‘Iyad a dit cependant qu’il n’est pas obligatoire pour elle de les couvrir et que l’homme devra baisser le regard. Zarruq a dit qu’il était obligatoire de les couvrir pour la femme d’une certaine beauté et que cela était recommandé pour les autres. […]
Devant l’homme étranger non-musulman, tout le corps de la femme est ‘awrah, y compris le visage et les mains. Fait partie des égarements manifestes le laxisme des femmes dans l’application de cette règle devant les juifs et les bédouins (non-musulmans). » [23]
Cette règle n’est pas spécifique au madhhab de l’imam Malik car on la retrouve mentionnée dans les ouvrages de référence des autres sunnites.
Dans Fath al Qadir, Ibn Humam al Hanafiy a dit : « La question évoquée indique clairement qu’il n’est pas permis à la femme de découvrir son visage devant des hommes étrangers sans nécessité absolue. Le hadith évoqué indique cela clairement aussi. » [24]
Ibn Nujaym dit quant à lui : « Nos shuyukh ont dit : « Il est interdit à la jeune femme de découvrir son visage devant les hommes à notre époque à cause du trouble que cela provoque » [25]
En commentaire des paroles de al Haskafiy qui dit : « [on interdira] à la jeune femme [ de découvrir son visage devant des hommes] non pas parce qu’il est une ‘awrah mais [par peur du trouble]. » [26]
Ibn ‘Abidin al Shamiy rajoute : « Sa parole [on interdira à la femme…] c’est-à-dire, sans que cela soit une ‘awrah [mais par peur du trouble] c’est-à-dire par peur de la dépravation. Le sens visé est qu’il est lui est interdit de dévoiler son visage de peur que les hommes le voient et que cela provoque le trouble. En effet, le fait qu’elle dévoile son visage entraîne le regard avec concupiscence. »[27]
L’imam de l’école Shafi’ie, Yahya an Nawawiy a dit quant à lui : « al imam (c’est-à-dire al Juwayniy) a déclaré cette position (c’est à dire, celle de l’interdiction pour un homme de regarder le visage d’une femme étrangère) comme étant la plus authentique en considérant l’unanimité des musulmans à interdire aux femmes de sortir le visage découvert. En effet, le regard laisse supposer le trouble et l’éveil du désir » [28]
L’imam Mansur ibn Yunus al Buhutiy a dit de son côté : « Elles, c’est-à-dire ses [mains] ainsi que son [visage] sont, pour la femme libre pubère [une ‘awrah en dehors d’elle], c’est-à-dire en dehors de la prière [en ce qui concerne leur vision, comme le reste de son corps] en considération de la parole précédemment citée du prophète ﷺ : « la femme est entièrement ‘awrah » » [29]
Il est clair que prétendre que se couvrir le visage pour la femme n’existe pas dans l’Islam est une inanité, si ce n’est une malhonnêteté effrontée. Le coran, la sunnah ainsi que la compréhension des savants musulmans, toutes tendances confondues, indiquent clairement qu’il ne s’agit pas d’un fait étranger à l’Islam ou fruit de la culture. Au contraire, il s’agit d’une règle de la loi divine que les savants ont éclaircie et dont l’application ne peut être en aucun cas découragée car elle représente une obéissance aux ordres d’Allah ou, dans une certaine mesure, une forte recommandation. La nier revient tout simplement à renier un verset coranique et à rejeter le consensus des savants portant sur sa législation dans le corpus de la révélation.
Si certains disent : « pourquoi on ne retrouve la règle de se couvrir le visage devant le non-musulman que dans les paroles des savants postérieurs du madhhab ? »
La réponse est tout simplement que l’habitude des musulmanes a toujours été de se voiler le visage, même dans les cas où cela ne leur était pas obligatoire. Le fait de se voiler le visage était un marqueur social non négligeable, qu’adoptaient les femmes libres pour se différencier des esclaves de sorte que sayyiduna 'Umar ibn al Khattab frappait les esclaves qui se couvraient le visage ou la tête. De même, le fait qu’une femme sorte le visage nu était considéré à cette époque comme un manque de pudeur et jetait l’opprobre sur sa famille.
Dans al mi’yar al mu’rib, il fut demandé au shaykh Abu ‘Aliy Nasir al din al Zawawiy al Mashdaliy (mort en 732 de la Hijrah) si le fait qu’une femme sorte découverte pour aller au marché impliquait qu’on déchusse son mari ou son tuteur de sa ‘adalah et donc, qu’il ne soit plus accepté comme témoin dans les affaires de la religion. Il répondit :
« Si son épouse sort et vaque à ses occupations en découvrant ses bras et son visage comme c’est l’habitude des femmes bédouines, cette personne ne pourra pas être prise comme imam (officiel), son témoignage sera refusé et on ne lui donnera pas la zakat même s’il en a besoin. » [30]
En effet, il est clair du rapport des savants et historiens anciens que les femmes libres ne découvraient pas leurs visages aux hommes étrangers.
L’imam Ibn Hajar al ‘Asqalaniy a dit : « La coutume des femmes n’a cessé d’être, aussi bien dans le passé qu’à notre époque, de se voiler le visage devant les hommes étrangers. » [31]
Abu Hayyan a dit dans al Bahr al muhit, au verset portant sur le jilbab : « Saddiy a dit : « elle couvrira un œil ainsi que son front et la partie de son visage et ne découvrira qu’un seul œil. » Je dis : ceci est la pratique dans le pays de l’Andalousie, on ne voit apparaître de la femme qu’un seul œil. » [32]
De sorte, le fait de se découvrir le visage devant les hommes étrangers n’a été rapporté que par les savants postérieurs, vers le neuvième siècle.
Le shaykh Zarruq al Burnusiy a dit en effet : « Quant à l’homme non-musulman (dhimmiy), il ne lui est permis de rien voir de la femme musulmane. Ce fléau (de se montrer aux non-musulmans) s’est répandu dans cette contrée et cela est un signe de manque de religion, de virilité islamique, de jalousie, un signe d’une dignité inexistante et d’une grande négligence. Les gens ont rendu cette chose banale et la croient sans aucune importance » [33]
Mais si Allah a indiqué aux musulmanes de se voiler le visage ainsi que tout le corps quand elles sortent pour se soustraire aux yeux des hypocrites de al Madinah, se voiler des hommes non-musulmans est à fortiori plus évident. En effet, les hypocrites se réclamaient de l’Islam alors que le mécréant renie ses règles. Si donc la femme a été ordonnée de voiler son visage en présence des pervers parmi les hypocrites, une telle injonction se comprend encore plus devant un non-musulman.
De même, il est évident que la ‘awrah de la femme avec un étranger non-musulman ne peut être comparable à celui avec un étranger musulman. En effet, il y a une différence de ‘awrah qui dépend de la religion de celui qui regarde et cette différence se voit quand il s’agit des relations entre femmes. La femme musulmane peut voir d’une autre musulmane ce qui est entre son nombril et son genou. Cependant, Allah a indiqué dans le coran, selon l’avis retenu des quatre écoles et de la majorité des savants, qu’il était obligatoire à la femme musulmane de voiler son corps de la non-musulmane, à l’exception du visage et des mains. Par analogie avec les femmes, la zone que la femme doit couvrir devant des hommes étrangers changera selon la religion du celui qui regarde. S’il s’agit d’un musulman, cette zone sera tout son corps sauf le visage et les mains. S’il s’agit d’un non-musulmane, cette zone sera tout son corps.
Allah demeure le plus savant.
[1] Sourate al ahzab, verset 59
يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ قُل لِّأَزْوَاجِكَ وَبَنَاتِكَ وَنِسَاء الْمُؤْمِنِينَ يُدْنِينَ عَلَيْهِنَّ مِن جَلَابِيبِهِنَّ
[2] Taj al ‘arus, volume 2, page 173
[3] Taj al ‘Arus, volume 2, page 174
[4] Rapporté par al Bukhariy et Muslim
عن أبي إسحاق قال حدثني البراء رضي الله عنه أن النبي صلى الله عليه وسلم لما أراد أن يعتمر أرسل إلى أهل مكة يستأذنهم ليدخل مكة فاشترطوا عليه أن لا يقيم بها إلا ثلاث ليال ولا يدخلها إلا بجلبان السلاح ولا يدعو منهم أحدا قال فأخذ يكتب الشرط بينهم علي بن أبي طالب فكتب هذا ما قاضى عليه محمد رسول الله فقالوا لو علمنا أنك رسول الله لم نمنعك ولبايعناك ولكن اكتب هذا ما قاضى عليه محمد بن عبد الله فقال أنا والله محمد بن عبد الله وأنا والله رسول الله قال وكان لا يكتب قال فقال لعلي امح رسول الله فقال علي والله لا أمحاه أبدا قال فأرنيه قال فأراه إياه فمحاه النبي صلى الله عليه وسلم بيده فلما دخل ومضت الأيام أتوا عليا فقالوا مر صاحبك فليرتحل فذكر ذلك علي رضي الله عنه لرسول الله صلى الله عليه وسلم فقال نعم ثم ارتحل
[5] Lisan al ‘Arab, volume 3 , page 170, éditions Dar Sadir
[6] Taj al ‘Arus min jawahir al Qamus, volume 2, page 175, éditions gouvernementales du Kuwayt
[7] Al Nazm wa al durar fi tanasib al âyat wal suwar, volume 15, page 412, éditions Dar al Kitab al islamiy
[8] Al hidayah ila bulugh al nihayah
[9] Tashil ‘ulum al tanzil
[10] Jami’ ahkam al qur’an
[11] Bahr al madid fi tafsir al qur’an al majid
[12] Madarik al tanzil wa haqa’iq al ta’wil
[13] Al Tafsir al kabir
[14] Ahkam al qur’an, volume 5, page 285, éditions Dar ihya’ al turath al ‘Arabiy
[15] Même les savants des sectes hétérodoxes comprennent ce verset comme étant une injonction de se voiler le visage, que ces sectes soient seulement innovatrices ou mécréantes.
Dans al Safiy fi tafsir kalam Allah al wafiyde al Kashaniy de la secte des chiites duodécimains : « « O prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des musulmans de baisser leur jilbab sur elles » C’est-à-dire qu’elles couvrent leurs visages ainsi que leur corps de leur milhafah quand elles sortent pour leurs besoins. »
Dans le tafsir de Ahmed al A’qam al Anisiy, parmi les ouvrages des chiites zaydites : « aux femmes des musulmans de baisser leur jilbab sur elles » c’est-à-dire qu’elles les rabaissent sur elles et qu’elles s’en couvrent le visage. Le jilbab est un habit large, plus ample que le khimar et plus petit que le rida’avec lequel la femme se couvre la tête de sorte qu’il en reste une partie pour la rabattre jusqu’à la poitrine. »
Dans son tafsir, le mufassir ‘Ibadiy al Hawariy a dit : « le jilbab est une cape avec laquelle on se couvre la tête ainsi que la partie droite du visage, l’œil droit et le nez. »
[16] Al Taj wal iklil, volume 2, page 181, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[17] Sharh zarruq ‘ala al Qurtubiyyah, page 189, éditions Dar Ibn Hazm
[18] Sharh Zarruq ‘ala al waghlisiyyah, page 181, éditions Dar Ibn Hazm
[19] Sharh Zarruq ‘ala al Waghlisiyyah, page 117, éditions Dar Ibn Hazm
[20] Mawwahhib al jalil, volume 2, page 181, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[21] Fawakih al dawaniy, volume 2, page 313
[22] Sharh al Zurqaniy ‘ala mukhtasar Khalil, volume 1, page 313, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[23] Minah al jalil, volume 1, page 223, éditions Dar al fikr
[24] Fath al qadir, volume 2, page 502, éditions dar al fikr
[25] Al bahr al ra’iq fi sharh kanz al daqa’iq, volume 1, page 470, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[26] Durr al mukhtar ‘ala tanwir al absar, volume 2, page 79, éditions Dar ‘alim al kutub (avec Radd al muhtar)
[27] Radd al muhtar ‘ala durr al mukhtar, volume 1, page 407, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[28] Rawdat al talibin, volume 7, page 22, éditions al maktab al islamiy
[29] Kashaf al qina’ ‘an matn iqtina’, volume 1, page 266, éditions Dar al fikr
[30] Mi’yar al mu’rib, volume 10, page 165
[31] Fath al bariy, volume 11, page 675, éditions Dar Tayyibah
[32] Al bahr al muhit, volume 7, page 250, éditions Dar ihya al turath al ‘arabiy
[33] Sharh Zarruq ‘ala al qurtubiyyah, page 189, Editions Dar ibn Hazm