بسم الله الرحمن الرحيم
الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Question :
On m’a toujours dit que celui qui se suicide en Islam, on ne pouvait pas prier sur lui et qu’il mourait mécréant. Quel est l’avis de l’école malikite sur cela ?
Réponse :
Nous voudrions faire une remarque tout d’abord sur votre question. On s’étonne à notre époque de voir des gens montrer de la célérité à exclure leurs frères de l’Islam. Il semble que leur unique objectif soit de se retrouver seuls au paradis à l’exclusion des autres gens. Cette attitude est symptomatique de la foi faible car on ne perçoit sa réussite que dans l’échec des autres alors que le musulman espère au contraire la salvation de l’humanité.
Ceci étant dit, sachez qu’il n’en est rien de ce qui vous a été dit. En effet, celui qui se suicide reste musulman et pour tout musulman qui meurt, prier sur lui est obligatoire [1]. Il est certain que le suicide est un grand péché. Mais la vérité sur laquelle sont les gens de la sunnah est que la commission d’un grand péché ne fait pas sortir de l’Islam. Bien au contraire, quiconque prononce la shahadah avec sincérité, son entrée au paradis est assurée. En effet, selon Abu Dhar al Ghifariy, le messager d’Allah ﷺ a dit :
« Il n’y a pas un serviteur ayant dit « point de dieu qu’Allah » et qui meurt sur cela sans entrer au paradis. ». Abu Dhar s’étonna « même s’il fornique et vole ? ». Le messager d’Allahﷺ répondit « même s’il fornique et vole ». Il dit encore : « même s’il fornique et vole ? ». Il répondit : « même s’il fornique et vole ». Il dit encore : « même s’il fornique et vole ? ». Il répondit : « même s’il fornique et vole, n’en déplaise à Abu Dhar » [2].
Pour revenir à votre question de départ, cela montre le danger de recourir aux textes sans la compréhension saine basée sur les explications des savants et l’étude de plusieurs sciences. Cette fausse croyance en effet est le fruit de la mauvaise compréhension de certains hadiths authentiques .
Concernant tout d’abord la mécréance du suicidé, il est rapporté du messager d’Allahﷺ qu’il a dit : « Quiconque se suicide en se jetant d’une montagne sera dans le feu de l’enfer éternellement à jamais… » [3].
Ce texte n’a jamais été compris par les savants de ahlus sunnah comme étant la preuve de la mécréance du suicidé. Comme dit précédemment, un grand péché n’exclut pas la personne de l’Islam. Un problème est soulevé sur la mention de l’éternité dans l’enfer alors que ce châtiment est exclusif aux mécréants. L’imam al Qurtubiy explique : « Le sens apparent est l’éternité qui n’a pas de fin et cela est compris dans le sens de celui qui déclare (le suicide) licite. Quiconque donc porte cela comme croyance devient mécréant. Quant à celui qui se suicide sans déclarer cela licite, il n’est pas mécréant. Au contraire, il est possible qu’Allah lui pardonne » [4].
Il dit aussi : « les termes « éternellement à jamais » peuvent être compris comme faisant référence à une longue période. De sorte, le sens serait qu’il sortirait de l’enfer parmi les derniers gens du Tawhid à en sortir. Le sens est courant comme disent les arabes : « qu’Allah rende éternelle ta royauté » ou « qu’Il rende éternels tes jours » » [5].
Le Qadiy ‘Iyad ibn Musa a dit : « sa parole « éternellement à jamais » renvoie à celui qui se suicide et considère cela licite. Ou bien, on le comprend comme une longue durée et non comme l’éternité n’ayant pas de fin » [6].
Nous ne connaissons guère de divergence sur cette question entre les gens de la sunnah. En effet, il est rapporté dans le Sahih de l’imam Muslim ibn Hajjaj, au chapître « celui qui se suicide n’est pas mécréant » :
« Quand le prophète ﷺ fit la hijrah vers al Madinah, Tufayl ibn ‘Amr le rejoignit. Un autre homme de la tribu de Daws fit la hijrah avec lui. L’air de al Madinah ne fut pas bon pour lui et il tomba malade. Il s’impatienta et prit un bout de flèche avec lequel il se coupa les bouts des doigts. Il saigna des mains jusqu’à mourir. Tufayl ibn ‘Amr le vit dans son rêve joyeux et bien portant. Seulement, il avait des bandages aux mains. Il lui demanda (dans le rêve) : « qu’a fait ton Seigneur avec toi ? . Il dit : « Il m’a pardonné du fait de ma hijrah vers son prophète ﷺ ». Il demanda : « pourquoi as-tu des bandages ? ». Il dit : « On m’a dit : ce que tu as endommagé, nous ne le réparerons pas ». Tufayl raconta cela au messager d’Allahﷺ qui dit « Allah ! pardonne aussi à ses deux mains ».
La confirmation du rêve par le messager d’Allah ﷺ montre la véracité du rêve ainsi que le pardon qui a été accordé à ce compagnon. De même, le fait que le prophète ﷺ demande le pardon pour lui indique clairement qu’il est éloigné de la mécréance car la demande de miséricorde pour le mécréant mort est interdite. Al Qurtubiy a dit : « ce hadith est la preuve que le suicidé n’est pas mécréant, qu’il ne demeure pas éternellement en enfer et ceci rejoint le sens du verset « Allah ne pardonne pas qu’on lui associe et pardonne tout en dehors de cela à qui Il veut » [7].
Quant à la question de la prière sur le suicidé, elle est aussi l’objet de la mauvaise compréhension d’autres textes comme celui que rapporte Jabir ibn Samurah : « Le prophète ﷺ vint vers un homme qui s’était suicidé avec une pointe de flèche et il ne pria pas sur lui » [8].
En fait, Awza’iy et ‘Umar ibn ‘Abdil ‘Aziz ont adopté la position qu’on ne priait pas sur le suicidé, non pas pour cause de mécréance, mais par référence à ce hadith. Cependant, cette position est réfutée par l’immense majorité des savants qui ont compris ce hadith dans le sens d’un découragement au suicide. En effet, le refus du messager d’Allah ﷺ relève d’un réprobation du suicide pour que chaque personne abandonne ce péché au risque de ne point bénéficier de son intercession par la prière de janazah. Al Maziriy [9] a dit : « Malik a permis la prière sur le suicidé. Et il est avéré que le messager d’Allah ﷺ a délaissé la prière spécifiquement pour lui par désapprobation des désobéissants, de la même manière que le chef d’Etat ne prie pas sur celui qui aura été tué comme sanction pénale » [10].
Le Qadiy ‘Iyad a dit :
« Ibn Wahb a rapporté de Malik le fait que les gens de considération délaissent la prière sur celui qui est connu pour un acte de perversité. Sa position ainsi que celle de la majorité des savants est qu’on prie sur tout musulman, même s’il a reçu une sanction pénale, a été lapidé, s’est suicidé, est un enfant adultérin ainsi de suite sauf ce qui a été rapporté à son propos sur le fait que le chef d’Etat évite de prier sur celui qui a reçu une sanction pénale » [11].
La position de al Awza’iy et de ‘Umar ibn ‘abdil ‘Aziz peut donc être comprise dans ce sens, que les gens de considération ne doivent pas prier sur le suicidé, comme l’a dit le Qadiy ‘Iyad. De sorte, il n’y a pas de divergence sur l’obligation de prier sur le suicidé.
Ainsi, le refus de la prière du prophète ﷺ entre dans ce cadre. Il en a été de même pour le musulman qui meurt en laissant une dette, le prophète ﷺ refusait de prier sur lui, avant que cette règle ne soit abrogée. Mais cela n’indique pas que les autres musulmans ne doivent pas prier sur celui qui s’est suicidé car, dans le cas de la dette, il a demandé à ses compagnons de prier sur le mort. En effet, Salmah ibn Aku’ a rapporté, au sujet d’un mort ayant une dette, que le messager d’Allah ﷺ a dit : « priez sur votre compagnon » [12].
En résumé donc, il est obligatoire de considérer comme musulman tout membre de la ummah tant qu’il n’y a pas d’indication claire et sans conteste du contraire. Le suicidé reste musulman et il est obligatoire de prier sur lui, comme sur tout autre musulman.
[1] Mis à part bien sûr les exceptions connues dans notre école.
[2] Rapporté par les deux chaykh, par at Tirmidhiy, an Nasa’iy, Ahmed et Ibn Hibban. Quant à la parole « quiconque dit « point de dieu qu’Allah » entre au paradis », ses riwayat sont nombreuses et atteignent le tawatur.
قَالَ : أَتَيْتُ رَسُولَ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ وَعَلَيْهِ ثَوْبٌ أَبْيَضُ ، وَهُوَ نَائِمٌ ثُمَّ أَتَيْتُهُ وَهُوَ نَائِمٌ ، ثُمَّ أَتَيْتُهُ وَقَدِ اسْتَيْقَظَ فَجَلَسْتُ إِلَيْهِ ، فَقَالَ : " مَا مِنْ عَبْدٍ قَالَ : لا إِلَهَ إِلا اللَّهُ ثُمَّ مَاتَ عَلَى ذَلِكَ إِلا دَخَلَ الْجَنَّةَ " ، قُلْتُ : وَإِنْ زَنَى وَإِنْ سَرَقَ ، قَالَ : " وَإِنْ زَنَى وَإِنْ سَرَقَ " ، قُلْتُ : وَإِنْ زَنَى وَإِنْ سَرَقَ ، قَالَ : " وَإِنْ زَنَى وَإِنْ سَرَقَ " ، قُلْتُ : وَإِنْ زَنَى وَإِنْ سَرَقَ ، قَالَ : " وَإِنْ رَغِمَ أَنْفُ أَبِي ذَرٍّ.
[3] Rapporté par al Bukhariy et Muslim.
مَنْ تَرَدَّى مِنْ جَبَلٍ فَقَتَلَ نَفْسَهُ فَهُوَ فِي نَارِ جَهَنَّمَ خَالِدًا مُخَلَّدًا فِيهَا أَبَدًا، وَمَنْ قَتَلَ نَفْسَهُ بِحَدِيدَةٍ فَحَدِيدَتُهُ فِي يَدِهِ يَجَأُ بِهَا فِي بَطْنِهِ فِي نَارِ جَهَنَّمَ خَالِدًا مُخَلَّدًا فِيهَا أَبَدًا.
[4] Al mufhim.
[5] Al mufhim.
[6] Ikmal al mu’alim.
[7] Al mufhim.
[8] Rapporté par Muslim.
[9] Il s’agit de l’imam, le mujtahid, le faqih et muhaddith Abu ‘Abdullah Muhammad al Maziriy, un des grands imams de l’école méconnus à notre époque. Il naquit vers 443 et mourut en 536. Il naquit et fut enterré en Tunisie, après avoir vécu en Sicile. Il étudia auprès du grand al lakhmiy et Khalil s’est basé sur leurs avis à eux deux pour écrire son mukhtasar, comme dit dans l’introduction. Il est l’auteur d’un commentaire du Sahih de Muslim que nous citons ici et qui a été augmenté tour à tour par le Qadiy ‘Iyad (ikmal al mu’alim) et al Ubbiy (ikmal al ikmal).
[10] Al mu’alim bi fawa’id Muslim.
[11] Ikmal al mu’alim.
[12] Rapporté par al Bukhariy.
عن سلمة بن الأكوع رضي الله عنه قال كنا جلوسا عند النبي صلى الله عليه وسلم إذ أتي بجنازة فقالوا صل عليها فقال هل عليه دين قالوا لا قال فهل ترك شيئا قالوا لا فصلى عليه ثم أتي بجنازة أخرى فقالوا يا رسول الله صل عليها قال هل عليه دين قيل نعم قال فهل ترك شيئا قالوا ثلاثة دنانير فصلى عليها ثم أتي بالثالثة فقالوا صل عليها قال هل ترك شيئا قالوا لا قال فهل عليه دين قالوا ثلاثة دنانير قال صلوا على صاحبكم قال أبو قتادة صل عليه يا رسول الله وعلي دينه فصلى عليه.