بسم الله الرحمن الرحيم
الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Ce texte est un résumé du premier chapître du livre al adab al mardiyyah li salik at tariqah al sufiyyah du shaykh éminent, le connaissant d’Allah, sidi Muhammad ibn Ahmed al Buzidiy al Hassaniy ad Darqawiy, qu’Allah sanctifie son secret et lui augmente ses lumières. Nous avons résumé l’essence de ses paroles sans les trahir. En effet, nous n’avons fait que reformuler ce que le shaykh dit plus en détails pour présenter cette œuvre au public de la façon la plus succincte possible.
Sache O mon frère , qu’Allah nous guide ainsi que toi, que les convenances [1] raccourcissent le cheminement. C’est par elles que disparaît ce qui peut t’effrayer dans la voie. Les soufis, qu’Allah les agrée, n’ont accédé à la Ma’rifah et la distinction parfaite que par le biais des convenances. En effet, les lois divines en entier (shari’ah) ne sont que convenances, accompagnées de Haqiqah. Sans les convenances, ses secrets n’auraient pas été dévoilés et les lumières divines ne seraient pas apparues, alors que n’existe dans ce monde que la Haqiqah. La Parole divine suivante le montre :
« Quiconque fait un atome de bien le verra. Quiconque fait un atome de mal le verra »
Ainsi que sa parole : « si vous êtes bienfaisants, c’est entièrement pour vous ».
« Si Allah voit du bien dans votre cœur, Il vous donnera du bien de ce qu’il a pris de vous et vous pardonnera. Allah est Pardonneur et Miséricordieux »
« quiconque fait du bien, c’est pour sa personne »
Ces versets et d’autres encore montrent les convenances que l’on doit adopter avec toutes les personnes et en particuliers avec les awliya d’Allah. Le murid devra donc s’astreindre aux convenances pour arriver aux secrets de la Proximité divine. Ce ne sont que par les convenances extérieures que le murid peut atteindre les convenances intérieures. Je vise par cela le ta’zim [2]. Le mauvais comportement conduit à l’absence de ta’zim et le manque de ta’zim au manque d’amour. Le manque d’amour conduit quant à lui à tourner son cœur vers autre que le chaykh. Par contre, si l’amour est effectif, le ta’zim le devient aussi. Quand le ta’zim est effectif, les convenances le deviennent aussi. Et quand les convenances deviennent effectives, la réalisation spirituelle l’est aussi. Les convenances à adopter sont nombreuses, certes. Cependant, nous allons évoquer certaines qui sont les plus nécessaires au murid. Je dis donc, en demandant la protection d’Allah :
Il fait partie des convenances du murid :
Le faqir devra ramener lors de sa visite à son chaykh un cadeau, qu’il soit de grande importance ou non, même s’il ne s’est absenté qu’une courte période, trois jours par exemple. Si le faqir ne trouve rien à ramener, qu’il dépense de sa propre personne comme dit Allah « Que le riche dépense de sa richesse. Celui dont la subsistance est comptée, qu’il dépense de ce qu’Allah lui a donné ». Si le faqir vient les mains vides, le Madad du chaykh ne lui parviendra pas à l’image de celui qui va vers un puits sans pour autant ramener une corde et une outre. L’eau est présente certes, mais il ne pourra en profiter.
Le faqir ne devra pas multiplier les assises avec le chaykh pour que le ta’zim ne disparaisse pas de son cœur. De longues assises avec le chaykh avec peu de ta’zim ne font qu’éloigner le murid. C’est pour cela que les rois du bas-monde ont des chambellans qui font introduire les gens auprès d’eux. Si tout un chacun pouvait entrer sans convenance et ta’zim auprès d’eux, leur sacralité disparaîtrait. Il en est donc de même pour les rois de l’au-delà qui sont les awliya. Le murid qui multiplie les mauvaises convenances ne reçoit pas le madad du chaykh et devient vide de lumières.
Il ne faudra pas trop rire avec le chaykh. Si ce dernier rit avec lui, le murid devra se retenir en riant peu. En effet, le rire du chaykh peut être un moyen pour lui de tester le degré de convenance du murid. Qu’il soit donc sur ses gardes ! S’il lui arrive de fauter sur ce point, il doit se repentir de suite et s’astreindre à la pudeur avec le chaykh. Si tu veux en réalité savoir la déférence que tu as pour Allah et son messager ‘alayhis salatu was salam, regarde la déférence dont tu fais montre avec ton chaykh.
Trop parler devant le chaykh est déjà une grande faute, que dire de le faire en élevant la voix ? Allah dit « n’élevez pas vos voix au dessus de la voix du prophète ». Le murid devra entraîner son nafs en parlant à voix basse et sortir ainsi des caractères des gens insouciants et rudes à celui des gens évocateurs d’Allah et craintifs. Allah dit : « Baisse ta voix ». Il finira enfin par devenir des gens du silence et de la douceur.
Qu’il ne s’asseye pas à sa droite ou à sa gauche, même si le chaykh le lui demande, mettant en avant la convenance sur l’ordre reçu. Il devra s’asseoir au contraire devant lui, face à face, cœur à cœur. Le murid qui entre auprès de son chaykh doit être comme s’il entrait dans une mosquée. Or, dans la mosquée, on ne tourne pas le dos à la qiblah, on ne s’occupe pas d’autre chose que du dhikr. Le chaykh est la qiblah et sa sacralité est plus grande que la sacralité de la qiblah, en référence de la parole prophétique, en s’adressant à la ka’bah : « Que tu es grande et qu’est grande ta sacralité ! Pourtant, le croyant est plus sacré que toi ». Si cela est vrai pour tout croyant, qu’en est-il alors d’un waliy ?
Trop regarder le chaykh conduit à perdre la pudeur qu’il faut garder avec lui. Cependant, pendant le dhikr, s’il arrive au murid d’être pris par l’Amour intense, que les lumières des attributs brillent de son cœur, il n’y a point de mal à ce moment là. Mais il ne pourra prétendre à cela qu’une fois qu’il verra les lumières du prophète ‘alayhis salatu was salam apparaître sur son chaykh d’abord, ensuite sur les autres hommes pieux, les croyants et enfin sur toutes les créatures. Avant d’avoir atteint ce degré, il ne lui sera pas permis de regarder son chaykh avec insistance, de même qu’on ne lève pas les yeux vers le soleil avec insistance.
Qu’il ne se presse pas de répéter certaines informations scientifiques qu’il tient du chaykh au risque d’y inclure son opinion et sa compréhension. Ainsi, il déformerait ce que visait le chaykh et cela ne pourrait qu’engendrer l’extinction de sa lumière et la fermeture de la porte de la connaissance. Le murid devra en outre laisser toute science qu’il a, fût-il même connaissant d’Allah et encore plus s’il était un savant exotérique. Il devra au contraire se taire et ne rien dire jusqu’à ce qu’Allah lui accorde l’ouverture spirituelle.
Le murid ne devra pas s’asseoir devant le chaykh comme s’il était en présence d’une personne simple, mais plutôt comme s’il était un esclave devant son maître (ou un sujet devant son roi). Il devra s’asseoir à la manière de la prière car le chaykh est la qiblah du murid, comme il a été déjà énoncé. Il ne devra pas se retourner quand il se trouve dans une séance de dhikr ou de rappel avec le chaykh, jusqu’à ce que le chaykh lui-même quitte sa place. Mais il devra garder le rappel de son chaykh devant ses yeux à chaque assise jusqu’à ce qu’il arrive à la présence d’Allah en tout instant. Ainsi, rien ne lui sera voilé car il regardera par le cœur et non les membres. Notre chaykh [3] a dit à propos du verset « tu les croirais éveillés alors qu’ils sont endormis » : « tu crois qu’ils regardent ce monde avec la lumière des deux yeux alors qu’ils sont endormis à son propos ».
Qu’il ne marche pas à sa gauche ou à sa droite au même niveau que lui. Et encore moins devant lui ! Plutôt, il sera derrière lui car le chaykh est l’imam et le murid le ma’mum. Et s’il parle avec lui, qu’il réponde avec calme et à voix basse comme Allah dit « n’élevez pas vos voix au dessus de la voix du prophète ». Plus le murid fera le ta’zim, plus il aura de lumière et vice-versa. Qu’il contemple et voie Allah dans chaque chose pour arriver à donner la grandeur à chaque chose ! Notre chaykh Mulay al ‘Arabiy ad Darqawiy a dit : « celui qui voit la perfection dans chaque chose tire profit de toute chose, se rapproche d’Allah par toute chose. Celui qui voit le défaut dans chaque chose, toute chose tirera profit de lui, il s’éloignera d’Allah par toute chose ».
Parmi les convenances du murid, le fait de ne pas être devant son chaykh dans la prière. Si le chaykh le lui ordonne qu’il le fasse mais qu’il ne le refasse pas de son propre chef. Si par contre le chaykh lui demande d’être l’imam officiel, qu’il ne refuse pas car cela serait une mauvaise convenance. De même qu’il serait une mauvaise convenance de diriger la prière sans sa permission. En outre, il devra faire le istighfar chaque fois qu’il dirige la prière devant son chaykh. Il devra dire : « Allah, fais que ma prière devant tes awliya soit une miséricorde. N’en fais pas un châtiment pour moi, O toi le plus miséricordieux des miséricordieux, toi le maître des mondes. ». Le murid ne devra pas penser être plus digne de diriger la prière qu’un des musulmans, à fortiori un des awliya.
Le murid ne devra pas prendre place au siège du chaykh ou sur son tapis, que le chaykh y soit ou non, même s’il le lui demande. S’il lui arrive de le faire sans savoir, cela ne lui est pas reproché sauf s’il récidive. Le soufi doit avoir les convenances aussi bien extérieures qu’intérieures alors que les gens du monde n’ont que les convenances extérieures. Et il n’y a rien qui puisse enlever ou obscurcir le voile vers Allah si ce n’est le bon comportement avec le chaykh. Quand ce dernier donne au murid une quelconque autorisation, il devra la peser sur la balance de la shari’ah et ensuite interroger son cœur si le soleil de son cœur a brillé. Sinon, il devra adopter les convenances extérieures et adopter ce que lui dt le chaykh jusqu’à ce qu’Allah lui illumine le cœur. Le murid arrive avec les convenances à un degré que personne d’autre n’atteint avec les efforts et les nombreuses adorations.
Il ne devra pas manger avec le chaykh, qu’il soit seul avec lui ou en compagnie. En effet, le ta’zim doit être aussi bien en public qu’en privé. Quant à celui qui fait preuve de ta’zim en privé seulement ou en public seulement ou montre du ta’zim avec ses enfants et sa famille quand le chaykh est présent et ne fait pas de même quand il est absent, il a par cela les caractéristiques des hypocrites qui se cachent des gens alors qu’ils ne peuvent se cacher d’Allah.
Ne mange donc pas avec le chaykh et s’il t’appelle, présente une excuse sauf s’il t’adjure. Manger avec le chaykh est un poison mortel pour les gens véridiques. Celui qui a la pudeur réelle devant Allah devrait avoir honte de respirer devant son chaykh ! Si le murid a la honte devant son chaykh, cela est la preuve qu’il est entré dans la Présence (Hadrah) d’Allah.
Le murid ne devra en aucun cas dormir dans la même maison que le chaykh. Au contraire, il devra domir hors de cette maison, même s’il devait dormir dans la rue sous le froid ou la chaleur ou sous la menace des bêtes fauves ou des coupeurs de roue. Si le chaykh lui demande une telle chose, il devra présenter une excuse. S’il lui arrive d’avoir une insomnie alors que le chaykh dort, ceci est encore une plus grande atteinte à la convenance. Attention et encore attention à dormir avec le chaykh dans une même maison et de le déranger par une odeur ou un bruit . Le Chaykh Mulay al ‘Arabiy ad Darqawiy a dit : « si les convenances sont acomplies, le cheminement sera accompli. S’il n’y a pas de convenance, il n’y aura ni convenance ni cheminement ». Les convenances sont le bateau de la salvation, celui qui y monte sera sauvé, même s’il n’a pas beaucoup de science.
Qu’il n’interpelle pas le chaykh quand ce dernier est dans sa maison, même s’il avait un besoin urgent à lui exposer. Il ne devra même pas s’approcher de la porte de sa maison et devra attendre qu’il en sorte.
Il ne devra entrer chez le chaykh que s’il s’y trouve lui-même et qu’il l’y autorise explicitement. Entrer dans la maison des gens implique d’abord une grande piété. L’entrée dans la maison des chuyukh demande encore plus de piété ! Celui qui veut du bien devra montrer de la convenance avec Allah et son messager ‘alayhis salatu was salam et ne devra pas faire un mouvement sans prendre conscience de la présence d’Allah, de son messager ‘alayhis salatu was salam et de ses anges. Si le murid doit entrer quelque part, que son cœur ne soit pas inattentif à la Présence car Allah est présent avec lui en n’importe quel endroit par sa Satisfaction.
Le murid ne devra rien prendre des choses du bas-monde, que ce soit peu ou beaucoup, même si le chaykh insiste pour cela, sauf s’il est d’une pauvreté extrême et qu’il avait visé une visite au chaykh pour Allah uniquement. Si le chaykh lui donne quelque chose en insistant, cela peut être pour lui un bien et une cause pour la suffisance et la richesse spirituelle. Si par contre il a de quoi se nourrir, il ne devra pas prendre de ces choses du bas-monde. Il présentera une excuse si le chaykh insiste. En effet, il peut s’agir pour lui de voir si ton cœur a un quelconque désir de cette chose. Si le murid prend cette chose, cela signifiera qu’il dirige toujours son énergie vers les créatures et qu’il ne prête pas toute attention à Allah. Le murid devra donc éteindre son désir par l’ascèse et le scrupule jusqu’à connaître Celui qui le nourrit et diriger son énergie vers Allah. En effet, les gens réalisés n’ont que faire du bas-monde. Ils veulent plutôt éloigner le murid de tout désir blâmable pour le faire entrer dans la Présence car n’y entre point l’avare. Allah dit « Quand vous vous entretenez avec le messager, donnez une aumône avant ». L’aumône indique que le visiteur est venu avec son cœur et son corps. L’absence d’aumône indique qu’il vient avec son corps mais sans son cœur.
Le murid ne devra pas approcher sa famille de celle du chaykh sauf si c’est pour une visite pour prendre de leur bénédiction pour Allah. Il ne convient pas de rester avec sa famille dans la maison du chaykh plus de trois heures sauf s’il vient d’un pays lointain. Dans ce cas, il ne devra pas dépasser trois jours de visite. S’il dépasse cela, il ne flairera jamais l’odeur de la convenance sauf s’il s’agit d’une invite du chaykh ou de sa famille. Ils ne devront pas trop rire ni parler, encore moins trop manger ou sortir et rentrer. Ils devront montrer de la pudeur et de la réserve et s’occuper des travaux de la maison. Si le murid n’a pas préparé ses enfants à ces convenances, il devra les empêcher d’effectuer la visite au chaykh. Il devra en outre ramener des cadeaux pour les enfants du chaykh. Et si la famille du chaykh leur fait un cadeaux, ils devront les refuser pour que leur visite soit pour Allah uniquement.
Il ne devra pas non plus se vêtir des restes du chaykh, que ce soit des habits ou autre chose. S’il arrive que le chaykh lui donne un habit, il devra l’honorer, le sanctifier et en prendre la bénédiction du fait de sa proximité avec le pacte d’Allah et qu’il était sur un corps n’étant séparé d’Allah d’aucun voile. Celui qui n’agit pas ainsi ne devra pas prendre l’habit et présentera une excuse. En effet, il est mieux de présenter une excuse que d’avoir l’habit avec de mauvaises convenances.
Porter un nouvel habit est interdit au murid, même s’il n’a pas grande valeur. S’il se vêt de neuf, il aura enlevé son pied de la voie des véridiques. Si l’habit neuf vient remplacer une guenille et qu’il n’attire ni le nafs ni les créatures, il n’y a pas de mal à le porter. Si par contre c’est un habit estimé, il devra forcément prendre l’avis du chaykh pour l’acheter ou le porter. S’il ne le fait pas, il aura obéi à son nafs car l’habit neuf est l’habit des gens du bas-monde et il est interdit pour les gens de l’au-delà de s’habiller comme ceux du bas-monde. Le faqir ne deviendra faqir que quand il sera pauvre intérieurement et extérieurement car l’extérieur témoigne de ce qui est à l’intérieur.
Il ne devra pas se plaindre de ses besoins relatifs au bas-monde. Si la situation devient difficile, qu’il fasse le tawassul vers Allah par le biais de son chaykh en ayant l’intention de l’au-delà. Il ne devra pas se plaindre de sa pauvreté au chaykh, des maux que lui causent les créatures ou les autres fuqara. Il devra au contraire s’astreindre à l’effort et à la patience dans la connaissance d’Allah. Le début du cheminement est effort et patience, ensuite amour et souffrance ensuite mystère et regardation et enfin clarté et entretien secret. Celui dont le début est tel, sa fin sera telle. Le murid qui se plaint au chaykh tombe dans son estime à moins d’être un ignorant dans la voie et dans ce cas il faudra lui apprendre. Celui qui se plaint trop n’est pas digne de la Présence d’Allah.
Qu’il ne se dépêche jamais de répondre quand le chaykh lui demande son avis sur une question de religion ou du bas-monde. Au contraire, il devra réfléchir et se demander le but du chaykh par cette question. S’il le comprend qu’il réponde et sinon, qu’il dise simplement « tu es plus savant, O chaykh » car ce dernier connaît mieux les choses du bas-monde et de l’au-delà. L’ordre venu dans le coran au prophète ‘alayhis salatu was salam de consulter ses compagnons n’était que pour montrer son adoration envers Allah et non qu’il ignorait la meilleure solution. De même, ceux qui lui succèdent dans le sens de la Haqiqah n’ont pas besoin de consulter quelqu’un sauf qu’ils le font pour rester dans les limites de la Shari’ah.
Il ne doit pas déserter les lieux publics où les gens peuvent le voir et encore plus ses frères et encore plus son chaykh, sauf s’il est terrassé par une maladie ou quelque chose qui y ressemble. Celui qui fait cela sans excuse se sera départi de la pudeur. Et celui qui se départit de la pudeur extérieure, Allah lui enlève la foi intérieure. Et si le murid s’efforce de cacher les réalités lumineuses, comment donc doit-il faire avec les réalités ténébreuses ? Il n’a jamais été dit qu’un des gens de l’éducation spirituelle se comportait ainsi et encore moins ceux qui accompagnaient les awliya qui regardent le murid avec la lumière d’Allah et celle de son messager ‘alayhis salatu was salam. Le fruit du compagnonnage avec les connaissants et de s’asseoir avec eux est d’avoir la pudeur. De sorte, le murid ressent de la pudeur pour tous les musulmans et voit en eux la lumière de l’Islam qui est la lumière du messager d’Allah ‘alayhis salatu was salam et qui n’est rien d’autre que la lumière d’Allah. Il fait montre de pudeur avec les awliya d’Allah en considération de leur lumière, qu’ils soient vivants ou morts et encore plus s’ils sont vivants. Et parmi les signes de l’enracinement de la foi dans le cœur, se trouve le fait que la pudeur apparaisse dans les organes du corps. La voie s’est popularisée à notre époque et celui qui ne chemine pas par la voie des états ne trouve que la voie des paroles. Et comment peut-on atteindre le but avec des paroles sans les actions ? Beaucoup ont pris la voie comme un moyen pour acquérir la dignité, la célébrité. Tu dois au contraire accompagner un chaykh connaissant et accompli qui te sort des doutes des passions pour t’enseigner les bases de la Sunna jusqu’à ce que tu sois des gens des états spirituels.
Le murid devra aimer selon l’amour du chaykh et abhorrer selon sa détestation, se réjouir de sa joie et s’attrister de sa tristesse. Celui qui est à l’opposé de cela est un hypocrite et n’a aucune part dans le suivi du chaykh. Il est obligatoire au murid d’aimer ce qu’aime son chaykh, de détester ce qu’il déteste de sorte que son cœur soit dans le sien, son corps dans le sien. S’ il est ainsi, il peut être qualifié d’amoureux véritable. Il se sera noyé dans la mer du Tawhid et c’est par cela que sont arrivés ceux qui sont arrivés et se sont détachés ceux qui se sont détachés. Sois donc en accord avec ton chaykh dans tous ses états et ses paroles. C’est ainsi que tu parviendras à la Présence des awliya ensuite à celle du messager d’Allah ‘alayhis salatu was salam et enfin à celle d’Allah. Ne sois surtout pas des gens de la blague dont les langues rient sans arrêt. Sois des gens du sérieux car la voie vers Allah est une voie sérieuse et celui qui ne s’en munit pas n’y obtiendra rien.
Il ne devra pas faire montre de sa science, de ses états et de sa perspicacité devant le chaykh, fussent-ils étonnants et abondants. Le plus grand de la mauvaise convenance serait de montrer de la science à celui qui t’enseigne, alors que tu étais aveugle ignorant, muet, sourd et qu’il t’a appris la véritable science et levé de ton cœur les voiles de l’insouciance. Maintenant, tu vois ce que tu n’avais jamais vu et parles comme tu n’avais jamais parlé. Comment donc appellerais-tu à une quelconque science ou à la pureté de ta vision intérieure alors que tu n’es qu’une once (lamhah) de sa vision intérieure, qu’une langue de sa propre langue, que tu appelles à la perfection avec Allah alors que tu n’as pas réalisé celle avec ses awliya !? Le murid ayant un tel défaut devra dompter son nafs et s’astreindre au silence et à l’ignorance, extérieurement et intérieurement. Et ce, jusqu’à ce qu’il devienne comme un bête qui n’émet de son que quand son ventre crie famine.
Si le murid a trouvé un chaykh accompli et parvenu, qui fait parvenir à Allah, qui réunit le ravissement et le cheminement, qui marche sur le chemin du dépouillement et du gain de sa vie, il ne devra jamais se tourner vers un autre, quelqu’il soit ! S’il se tourne vers un autre, il n’obtiendra jamais rien, et même s’il prenait mille chuyukh à cause de sa mauvaise intention. S’il avait une bonne intention, il aurait trouvé son besoin auprès de celui qui n’est pas dépourvu de secret spirituel, ni de bénédiction ni de bien, à l’image du hadith : « si l’un d’entre vous mettait son intention dans une pierre, il en tirerait bénéfice ». Rien n’empêche les gens d’atteindre leur but si ce n’est leur peu d’intention et s’ils avaient l’intention, ils trouverait le bien, où qu’il se trouve.
ll ne devra ni demander des prodiges ni faire des efforts dans ce sens. Ne cherche les prodiges que celui qui est dénué d’esprit, de science et n’a aucun bien en lui. Tout ce que le murid doit attendre de son chaykh, c’est de faire le dhikr d’Allah, de s’astreindre à l’ascèse et de connaître Allah en réalité pour éteindre ses passions. Le murid n’atteint la véridicité et l’amour qu’une fois qu’il ne cherchera que ces choses évoquées. Rien n’est mieux que le rectitude avec laquelle le prophète ‘alayhis salatu was salam est venu. Il n’y a pas de prodige apparent ou caché qui n’ait sa source et sa destination dans le dhikr. Et il suffit de prodige que le murid soit dans la Présence d’Allah tant qu’il fait le dhikr comme cela est rapporté du hadith qudsiy : « Je suis assis avec celui qui fait mon dhikr ». Il lui suffit aussi de prodige le fait qu’il soit dans la compagnie du chaykh car il était perdu du chemin et il l’y a guidé.
Il ne devra rien faire sans l’autorisation du chaykh. Toute chose faite sans autorisation sera dénuée de secret spirituel et de bénédiction car le secret découle de l’autorisation et non de l’action. Si le chaykh donne une autorisation pour une chose, comme la mendicité par exemple, le murid devra d’abord en percer le secret avant de l’accomplir. Par la mendicité, tu goûteras l’avilissement et le mépris mais aussi l’honneur et la wilayah. Celui qui ne réunit pas les contraires n’aura pas atteint la Connaissance.
Qu’il ne pense pas que son chaykh le déteste ou le méprise, même s’il ne fait pas montre de bonnes convenances, ou pense qu’il montre de l’amour pour un autre ou ne fait pas attention à lui. Tout ceci est de la mauvaise convenance qui engendre la jalousie envers les autres frères. Les gens de la Présence doivent être exempts de cela car si le murid pense une chose sur le chaykh alors qu’elle n’est pas vraie, il se charge d’une grande calomnie. Les fuqara sont comme les doigts d’une main aux yeux du chaykh. Aucun n’est plus honorable qu’un autre. Il faut purifier son cœur des caractères humains qui empêchent le flux des secrets.
Si le murid a un cœur, il ne devra pas cacher l’amour pour Allah, son messager ‘alayhis salatu was salam, son chaykh et ses frères. Montrer cet amour conduit à s’élever devant Allah. Montrer cet amour consiste à les servir, à faire preuve de ta’zim et de le dire par la langue. L’amour est certes la meilleure des actions et le serviteur atteint par l’amour un degré que n’atteint pas celui qui fait beaucoup d’actions pies. Notre maître Mulay al ‘Arabiy ad Darqawiy a dit : « l’amour (shawq) mène à Allah, avec ou sans cheminement ». Celui qui se tient à l’amour ne perd donc rien dans le bien. Eveille en toi les états qui renforcent l’amour [4] donc pour que le chemin se rapproche pour toi. Montrer son amour pour les frères augmente l’amour pour celui qui veut les suivre dans leurs états. En effet, le murid ne peut se voir digne des états du chaykh qui sont immenses pour lui, de ses paroles qui sont des étoiles de la Présence, contrairement aux frères dont il peut s’inspirer des états et de la sincérité. Il ne faut pas croire que toute personne qui entre auprès du chaykh est doté de sincérité et de véridicité. Celui qui n’a ni sincérité ni véridicité, son ouverture spirituelle sera longue. Il pourrait rester avec le chaykh quarante ou trente années sans jamais atteindre cette véridicité qui est une affaire très grande. Celui dont la véridicité est complète sa sainteté devient complète. Le signe de cela est que le murid ne fasse rien sans l’autorisation de son chaykh de même, qu’il fait tout ce qu’il lui indique.
Le murid ne devra pas faire parvenir les paroles des gens de l’élite vers ceux qui n’en sont pas ni la parole des gens de la masse vers l’élite spirituelle pour ne pas encourir la colère. Ceci relève de l’insouciance envers Allah car s’il n’en était pas ainsi, il n’aurait pas entraîné ses organes à cela . Il est en effet interdit de dévoiler les paroles des gens de la Présence à d’autres ou bien de leur dévoiler les paroles d’autres personnes. Celui qui fait cela est compté parmi les shayatin. Et celui qui trouve en lui une propension à cela, qu’il se repente. Le murid doit être toujours en dhikr, fût-il dans le pire lieu d’insouciance.
و صلي الله و سلم علي سيدنا محمد و علي آله
[1] Nous traduisons ainsi le mot arabe adab.
[2] Le mot qui serait le plus approchant en français serait la révérence. N’ayant pas trouvé de sens exact, nous avons laissé le mot tel quel.
[3] Il s’agit du chaykh de nos chuyukh, le chaykh flamboyant, Mulay Muhammad al ‘Arabiy ad Darqawiy, qui fut le chaykh de sidi al Buzidiy.
[4] Dans le texte original, le chaykh a utilisé tour à tout les mots shawq et mahhabah. Le français est malheureusement pauvre pour rendre toutes les expressions de l’amour en langue arabe. Nous nous sommes contentés de traduire par amour, simplement.