Le mariage de misyar est-il permis selon l’école malikite ?
Le mariage de misyar est une notion qui est contemporaine et les fuqaha d’avant n’avaient pas de dénomination précise pour ce type de mariage. D’après la définition que vous nous avez donnée (à savoir le questionnaire), c’est le type de mariage où il est conditionné à une des parties de renoncer à certains de ses droits établis par l’Islam. C’est par exemple que l’homme conditionne le mariage au fait de ne pas pourvoir à la dépense de sa future épouse. Ou encore, que la femme conditionne à l’homme de n’entretenir de relations sexuelles qu’à certaines périodes.
Même si la dénomination n’est pas existante chez nos fuqaha, ce type de mariage a bel et bien été analysé par nos devanciers, qui ont établi une catégorisation de conditions qui peuvent, soit être valides, soit vicier le contrat de mariage, soit l’annuler.
En général, dans notre école, les conditions posées dans le mariage, hors de de celles inhérentes au mariage, sont détestées.
Dans al Muntaqa, l’imam al Bajiy a dit : « Les conditions dans le mariage sont en général détestées. Ibn al Habib a dit : « Les conditions sont détestées et les savants n’approuvent pas qu’on en fasse ou qu’on assiste à leur conclusion ». Al Ashhab a rapporté de Malik, dans le livre de Muhammad (Ibn al Mawwaz) et de al ‘Utbiy : « Je déteste que quelqu’un se marie avec comme condition qu’il ne la sortira pas de son pays ou qu’il n’empêchera pas quelqu’un de la visiter ou qu’il ne l’empêchera pas d’aller au Hajj et à la ‘Umrah. » [1]
On peut classifier les conditions donc selon trois catégories, qui indiqueront ainsi leur sentence juridique :
Dans ce troisième cas, le mariage doit être dissout avant sa consommation, en prononçant le divorce. S’il a été consommé, il sera maintenu mais la condition sera abrogée.
Dans al Durrar, l’imam Bahram a dit, commentant les propos de l’imam Khalil : « Parmi les mariages qui sont annulés avant leur consommation, il faut compter ceux qui sont viciés par la nature de la dot ou qui ont été conclus avec une condition qui contredit l’implication naturelle du mariage (…). Quant aux conditions dans un mariage, elles peuvent contredire l’implication naturelle du mariage et cela est interdit. Si cela se produit, on le considère comme une atteinte au mariage et ce dernier est annulé avant la consommation.
D’autres fois, cette condition est impliquée par le mariage, même si cela n’est pas mentionné comme la condition qu’il assure sa dépense ou dorme près d’elle. Ce type de condition, sa mention et l’absence de sa mention sont égales.
D’autres fois, cette condition n’est pas impliquée par le mariage mais elle ne le contredit pas fondamentalement. C’est comme par exemple la condition qu’il n’épouse pas une autre, qu’elle ne voyage pas, qu’il ne la sorte pas de son pays ou de sa maison. Cette condition est détestée mais le mariage n’est pas annulé pour elle dans l’absolu. C’est à cette catégorie que renvoie la parole de l’auteur « elle est annulée… » c’est-à-dire, la condition qui ne contredit pas le contrat de mariage »[2]
Cette position des malikites est justifiée par le fait que ces conditions contredisent les bases du mariage tel que le coran et la sunnah les ont définies. Ils se basent sur le hadith qu’a rapporté notre mère ‘Aishah, que le Prophète ﷺ a dit : « Qu’ont les gens à mettre des conditions qui ne sont pas dans le livre d’Allah ? Celui qui met une condition qui n’est pas dans le livre d’Allah n’y aura aucun droit, dusse-t-il mettre cette condition cent fois. » [3]
Dans al ‘Utbiyah : « On a interrogé Malik sur un homme qui fait épouser son fils petit et pose comme condition au père d’assurer la dépense de son épouse ». Il dit : « Il n’y a pas de ben en cela ». ‘Isa a dit : « j’ai interrogé Ibn al Qasim sur cette question, au cas où cela se produit. Il dit : « Si cela est su avant la consommation, le mariage est annulé. S’il le consomme, le mariage reste valable et la dépense reviendra au mari »[4]
Commentant cette parole, la Qadiy ibn Rushd a dit : « De même, il n’est pas licite de conclure un mariage avec comme condition que le mari assure la dépense d’un enfant né d’un autre lit.Cela n’est pas licite car la dépense n’est pas une dette opposable au mari comme la dot dans le mariage ou le prix dans la vente. Dans ces deux cas, il est licite de conditionner. Au contraire, la dépense est un droit qu’Allah a obligé les maris à donner à leurs épouses. » [5]
Il dit de même : « Si on pose comme condition de pourvoir à la dépense d’un enfant né d’un autre lit, le mariage est invalide et devra être annulé avant la consommation. Mais il sera maintenu après la consommation et la condition de de la dépense pour l’enfant ne sera pas observée. » [6]
Selon les termes de votre question, le mariage de misyar est celui où il est conditionné, à la conclusion, que le mari ou la femme délaisse certains de ses droits. Parmi les droits susceptibles d’être abandonnés, le fait que l’homme pourvoie à la dépense de son épouse ou le fait qu’il partage équitablement sa résidence.
Ces conditions tombent dans la troisième catégorie que nous avons évoquée plus haut, la catégorie des conditions qui contredisent et contrecarrent les effets normaux du mariage. Ces conditions sont donc interdites. Le mariage de misyar prendra donc la qualification de ces conditions et est interdit et Allah demeure le plus savant.
Dans tous les cas, ce telles conditions sont invalides et les époux ont l’obligation de ne pas les respecter. Si le mariage a été conclu ainsi sans qu’il y ait consommation, il devra être annulé par la prononciation du divorce. S’il a été conclu, il sera maintenu sans les conditions.
وصلّى الله وسلّم على سيّدنا محمد وعلى آله
[1] Al Muntaqa fi sharh al Muwatta, volume 5, page 67, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[2] Al durrar fi sharh al Mukhtasar, page 904, éditions du ministère des awqaf et des affaires religieuses du Qatar
[3] Rapporté par al Bukhariy, Ibn Majah, al Tirmidhiy et d’autres :
عَنْ عَائِشَةَ ، قَالَتْ : أَتَتْهَا بَرِيرَةُ تَسْأَلُهَا فِي كِتَابَتِهَا ، فَقَالَتْ : إِنْ شِئْتِ أَعْطَيْتُ أَهْلَكِ وَيَكُونُ الْوَلَاءُ لِي ، وَقَالَ أَهْلُهَا : إِنْ شِئْتِ أَعْطَيْتِهَا مَا بَقِيَ ، وَقَالَ سُفْيَانُ مَرَّةً : إِنْ شِئْتِ أَعْتَقْتِهَا وَيَكُونُ الْوَلَاءُ لَنَا ، فَلَمَّا جَاءَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ ذَكَّرَتْهُ ذَلِكَ ، فَقَالَ النَّبِيُّ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ : " ابْتَاعِيهَا فَأَعْتِقِيهَا ، فَإِنَّ الْوَلَاءَ لِمَنْ أَعْتَقَ ، ثُمَّ قَامَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ عَلَى الْمِنْبَرِ ، وَقَالَ سُفْيَانُ مَرَّةً : فَصَعِدَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ عَلَى الْمِنْبَرِ ، فَقَالَ : مَا بَالُ أَقْوَامٍ يَشْتَرِطُونَ شُرُوطًا لَيْسَتْ فِي كِتَابِ اللَّهِ ، مَنِ اشْتَرَطَ شَرْطًا لَيْسَ فِي كِتَابِ اللَّهِ فَلَيْسَ لَهُ وَإِنِ اشْتَرَطَ مِائَةَ مَرَّةٍ"
[4] Al ‘Utbiyah avec al Bayan wal tahsil, volume 4, page 278, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[5] Al Bayan wat tahsil, volume 4, page 280, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[6] Idem
J’ai un frère qui vit maritalement avec une femme musulmane. Or, ils ont décidé de se marier et je leur ai indiqué qu’il fallait attendre un certain délai. Ils me rétorquent qu’ils n’ont pas l’intention de faire des enfants et que ce délai n’a pas à être appliqué. Qui a raison ?
Wa ‘alaykumus salam,
Nous espérons que cette réponse vous trouvera en bonne santé ainsi que toute votre famille.
La première chose à laquelle nous exhortons ce membre de votre famille, ainsi que sa compagne, est de se repentir de ces péchés et de revenir à Allah avec contrition. Le musulman ne doit point se montrer désespéré de ses péchés et au contraire, doit les regretter en se repentant devant Allah, qui est le Grand Pardonneur.
Dans le Sahih de Muslim Ibn Hajjaj, le prophète ﷺ a dit : « Par Celui qui détient ma personne, Si vous ne péchiez pas, Allah vous ferait disparaître et ferait venir un autre peuple qui pécherait et Lui demanderait pardon. Et Il leur pardonnerait. » [1]
Cette parole indique l’obligation pour le musulman d’être un repentant sincère, malgré ses péchés. Il y a ici une belle approche qui montre qu’Allah attend de ses serviteurs un repentir permanent de leurs péchés. Ceci est donc une exhortation à ne jamais désespérer de la Miséricorde d’Allah et à se repentir, quel que soit l’amoncellement de nos péchés.
Concernant la question de base, dans l’école de l’imam Malik, comme vous l’avez effectivement indiqué, la femme doit observer une période vacuité de son utérus avant de procéder à un mariage, si elle a entretenu une relation sexuelle. L’observation de cette période n’est pas soumise à une quelconque volonté de faire des enfants. Elle n’est non plus pas soumise à un quelconque test scientifique qui écarterait la grossesse.
En effet l’observation de cette période de vacuité de l’utérus est un droit d’Allah et non un droit des humains, ce qui implique que, même si on était assuré de cette vacuité, il serait quand même obligatoire de rester le temps prescrit sans se marier après la relation sexuelle commise hors mariage. Cette position est celle qui est adoptée par la majorité des savants, y compris par les savants de l’école malikite quand la femme concernée est de condition libre. On ne peut opposer à cette observation de la vacuité de l’utérus le fait que les personnes ayant commis la fornication aient pris leurs précautions pour ne pas avoir d’enfant ou qu’ils n’aient pas l’intention, à l’avenir, de concevoir d’enfant.
En tout premier lieu, ces précautions ne rapportent pas la certitude absolue sur l’absence ou la disparition du sperme du fornicateur dans l’utérus de sa partenaire. Cette certitude n’est obtenue que par l’observation de cette période de vacuité.
La Qadiy ‘Abdul Wahhab al Baghdadiy a dit dans al Ma’unah : “Il n’y a pas d’alternative à l’observation du délai de vacuité car la grossesse ne peut être infirmée que par la connaissance de la vacuité de l’utérus. Cette connaissance est obtenue par les cycles menstruels.” [2]
En second lieu, comme nous l’avons déjà dit plus haut, l’observation de ce délai est un droit d’Allah et s’impose à la femme ayant entretenu une relation avec un homme, même si elle parvient à la certitude de l’absence d’enfant par un autre moyen que les cycles menstruels.
L’imam al Qarafiy a dit: “La période de vacuité, vue globalement, a majoritairement un aspect d’adoration, même si son sens peut être appréhendée par la raison globalement. En effet, elle a été légiférée pour voir démontrer la vacuité de l’utérus et éviter le mélange des lignages. De ce point de vue, elle peut être appréhendée par la raison. Mais d’un autre côté, la période de vacuité reste obligatoire pour la viduité d’une fille dans son berceau ou encore pour une femme en cas de divorce ou de viduité malgré qu’on sache que son utérus est vide du fait de la disparition prolongée de son époux ou pur une autre cause. Ceci conforme l’aspect cultuel. Comme l’aspect d’adoration dans la période de vacuité est avéré, il sera obligatoire de l’observer après constatation de ce qui la rend obligatoire, dans tous les cas de figure, que l’on sache que l’utérus est vide ou non, pour se conformer à sa dimension adorative.” [3]
Les savants malikites ont assimilé l’observation de cette période pour la femme libre fornicatrice à la période de vacuité liée à la mort du mari ou au divorce dans leurs règles. C’est dans cette idée que nos savants ont considéré tout mariage conclu dans la période de vacuité après la fornication comme étant nul et devant être annulé sans divorce.
En effet, Allah a prescrit l’observation de cette période de vacuité pour la femme ayant consommé son mariage selon un contrat licite : “O prophète, quand vous divorcez les femmes, divorcez dans leur période de vacuité et observez cette période” [4]
Nos savants considèrent que cet ordre n’est pas seulement limité à la préservation du lignage issu d’un mariage licite mais s’applique aussi à une relation sexuelle basée sur un quiproquo, un viol ou tout simplement une fornication.
Tout mariage qui serait fait sans observation de cette période de vacuité, même à la suite d’une fornication, sera ainsi invalide.
Dans al sunan al kubra, l’imam al Bayhaqiy a rapporté de Sa’id ibn al Musayyib : “Basrah ibn Abi Basrah al Ghifâriy a avait épousé une jeune fille non mariée. Quand il cohabita avec elle, il trouva qu’elle était enceinte. Il en informa le prophète ﷺ qui les sépara et dit : “ Quand elle aura accouché, appliquez-lui la peine de la fornication”. Il lui donna en même temps sa dot pour la consommation du mariage.” [5]
Le fait de les séparer indique qu’épouser une femme dans sa période d’observation de la vacuité de son utérus est interdit en plus de rendre un tel mariage nul.
Dans al Mudawwanah, l’imam Sahnun a dit: “j’ai dit : “ Que penses-tu d’un homme qui commet la fornication avec une femme? Peut-il l’épouser après cela ? Il dit (à savoir Ibn al Qasim) : Malik a dit : “Oui, il peut l’épouser. Mais il ne l’épousera que quand elle observera la vacuité de son utérus du sperme illégitime.” [6]
Ibn al Qasim a dit de son côté : “A chaque fois qu’il y a une relation illégitime, on ne peut entretenir une relation légitime qu’après une période de vacuité.” [7]
Dans notre école, tout mariage contracté dans la période de vacuité entraîne sa nullité. Les contractants pourront cependant se marier une fois que la période de vacuité sera terminée, mais uniquement par un nouveau contrat.
Si le mariage est consommé à la suite de sa conclusion pendant la période de vacuité, ces deux personnes seront à tout jamais interdites si la femme a commis la fornication avec un autre homme que celui avec qui le contrat a été conclu. Cela revient à dire qu’ils ne pourront jamais se remarier et cela, même si la consommation a été faite hors de la période de vacuité.
A contrario, si le mariage a été conclu avec l’auteur de la fornication et qu’il s’en est suivie la consommation, il n’y aura pas d’interdiction éternelle de se marier.
Par consommation, il ne faut pas entendre seulement la relation sexuelle. En effet, tout acte qui était interdit avant le mariage entre deux personnes de sexe différent est vu comme une consommation à l’image d’un baiser ou d’une caresse.
Dans al Muwatta, l’imam Malik a rapporté que ‘Umar ibn al Khattab a dit : “Pour toute femme qui est dans sa période de vacuité et contracte un mariage, si son mari n’a pas consommé le mariage, ils seront séparés. Elle finira la période de vacuité pour son premier mari et le second lui fera des avances à la fin de celle-ci. S’il a consommé le mariage, ils seront séparés, elle finira sa période de vacuité du premier et y rajoutera la période du second. Mais il ne leur sera plus possible de se marier à tout jamais.” [8]
Dans le Mukhtasar de l’imam Khalil, l’auteur dit : “(Il sera interdit) de prononcer une parole explicite comme avances faites à une femme dans sa période de vacuité ou faite à son responsable, comme son tuteur, de la même manière (que cela est interdit) pour la femme qui observe ce délai pour la fornication. Ils seront à tout jamais interdits s’ils entretiennent une relation sexuelle (après un mariage), même par quiproquo, ou qu’ils font les préliminaires sexuels, même après la période de vacuité.” [9]
De là, il est clair qu’il est interdit d’épouser une femme tant que son délai de vacuité n’est pas écoulé, si elle a commis la fornication.
Ce délai est de trois cycles de règles après l’acte de fornication. Quand la femme verra ses menstrues la troisième fois après l’acte, sa période de vacuité sera finie. Si elle ne peut plus voir ses menstrues par âge avancé ou pour cause de maladie, elle observera la période de trois mois lunaires.
Si la femme est enceinte, il sera tout autant interdit de l'épouser. Le terme de son délai de vacuité sera à son accouchement.
[1] Sahih Muslim, livre du repentir, page 712, Editions Alfa
وَالَّذِي نَفْسِي بِيَدِهِ لَوْ لَمْ تُذْنِبُوا لَذَهَبَ اللَّهُ بِكُمْ ، وَلَجَاءَ بِقَوْمٍ يُذْنِبُونَ فَيَسْتَغْفِرُونَ اللَّهَ فَيَغْفِرُ لَهُمْ
[2] Al Ma’unah, volume 1, page 615, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[3] Anwar al buruq fi anwa’ al furuq, volume 1, page 1003, Editions dar al salam
[4] Sourate al Talaq, verset 1
يَٰٓأَيُّهَا ٱلنَّبِىُّ إِذَا طَلَّقْتُمُ ٱلنِّسَآءَ فَطَلِّقُوهُنَّ لِعِدَّتِهِنَّ وَأَحْصُوا۟ ٱلْعِدَّةَ
[5] Sunan al kubra, volume 7, page 254, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[6] Mudawwanah al kubra, livre du mariage second, volume 2, page 173, éditions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[7] Al Mudawwanah al kubra, livre de la vacuité de l’utérus, volume 2, page 375 Editions Dar al kutub al ‘ilmiyyah
[8] Al Muwatta’, livre du mariage, page 312, éditions maktabah al islam al jadid
[9] Mukhtasar Khalil, livre du mariage
As salamu ‘alaykum,
mon fiancé me demande si je suis vierge. Est-ce que je dois répondre à cette question ?
Wa ‘alaykumus salam,
Oui, vous avez la possibilité de répondre à cette question. Et la réponse la plus appropriée à notre sens est celle-ci : « Ce qui parfait l’Islam de l’homme est le fait de délaisser ce qui ne le concerne pas. » [1]
En effet, il n’est en rien un droit à votre fiancé de connaître les détails de votre vie privée et une telle question est à notre sens inappropriée et un manque de respect. Dans l’école de l’imam Malik, la virginité d’un des deux conjoints n’est pas une qualité essentielle qui permettrait à l’autre, en cas de manque, d’annuler le mariage. En d’autres termes, le fait qu’une personne soit ou non vierge et que cette connaissance ne soit acquise qu’après le mariage ne peut en aucun cas donner lieu à la dissolution du mariage et au retour de la dot.
Dans le Mukhtasar de l’imam Khalil, ce dernier a dit :
Et (Il n’aura pas le choix dissoudre le mariage) pour le fait d’être pucelle
Cette parole de l’imam indique que la virginité n’est un caractère essentiel et son absence n’est pas de ceux qui empêchent la vie intime et donnent droit à dissoudre le mariage. En effet, les défauts des conjoints qui autorisent à dissoudre le mariage sans divorce sont uniquement ceux qui sont liés à la capacité sexuelle ou empêchent la pleine jouissance sexuelle.
Or, il faut considérer la question posée par votre fiancée comme déplacée, inappropriée et dépassant les limites des paroles qu’il est possible d’échanger entre personnes qui ne sont pas interdites (mahram). De tes propos portant sur l’intimité sortent du strict nécessaire qui est permis dans la conversation entre personnes non-mariées.
Si votre virginité est effectivement préservée, vous n’avez pas à répondre et pourrez souligner le manque de pudeur de votre fiancé. Si, par un quelconque moyen, même illicite, votre virginité n’était plus présente, votre devoir de ne pas répondre à cette question est encore plus renforcé.
En effet, dans le Muwatta de notre Imam Malik Ibn Anas : « Selon Zubayr al Makkiy, un homme chercha à se marier avec la sœur d’une femme. Ce dernier lui dit alors qu’elle avait commis la fornication. L’information arriva à ‘Umar ibn al Khattab qui le fit bastonner ou faillit le faire bastonner. ‘Umar dit ensuite : « Qu’avais-tu à lui révéler cela ? » [2]
Dans al Istikhkar, le hafiz Ibn ‘Abdil Barr al Namriy a rapporté avec sa chaîne : Al Sha’biy a rapporté qu’un homme vint voir ‘Umar ibn al Khattab et lui dit : « j’ai une fille qui est née sous l’ère de la jahiliyyah puis est entrée dans l’Islam. Elle a reçu la sanction (pour avoir commis la fornication). Après cela, elle a pris une lame et a essayé de s’égorger mais j’ai pu la surprendre à temps. Elle avait coupé une partie de sa jugulaire. Elle s’est remise, a changé et s’est tournée vers le coran. Mais quelqu’un me demande de la lui faire épouser. Dois-je l’informer de l’état dans lequel elle était avant ? » ‘Umar dit : « Veux-tu donc découvrir le voile par lequel Allah l’a couverte ? Si j’apprends que tu as évoqué quelque chose de son passé, je te donnerai un châtiment en exemple pour tous les gens du pays. Plutôt, marie-la du mariage d’une musulmane chaste. » [3]
Dans al Utbiyyah, notre imam Malik a dit : « Il n’est pas permis à un homme qui est le tuteur d’une femme de dévoiler les mauvaises choses qu’elle a faites si on la lui demande en mariage. » [4]
Le Qadiy Ibn Rushd a commenté cette parole en disant : « Il a parlé ainsi car l’homme qui épouserait une femme et découvrirait après cela qu’elle avait commis la fornication n’aurait pas droit de la rendre. En effet, il ne s’agit pas d’un défaut qui oblige à la retourner à ses parents. Le tuteur n’a donc pas à lui faire savoir cela. Bien au contraire, il lui est obligatoire de le cacher car les mauvaises actions doivent être occultées aussi bien à son propre endroit qu’à l’endroit d’un autre. » [5]
Ce silence sur l’état de virginité rentre dans un des objectifs de la shari’ah, à savoir la préservation de la dignité du musulman en toutes circonstances. Cette obligation pèse sur la personne elle-même mais aussi sur ses parents et toute personne qui n’aurait pas une preuve acceptée par la shari’ah pour incriminer l’éventuel fautif. Cette obligation pèse aussi sur le conjoint qui découvrirait après la conclusion du mariage que la virginité n’a pas été préservée. En effet, dans minah al jalil, l’imam ‘Illish a dit : « Si l’homme dit : « je l’ai trouvée déflorée », il recevra le hadd. En effet, il aurait commis le qadhf en employant la forme active comme l’a dit Ibn ‘Arafah » [6]
Cela veut dire que l’homme, même s’il trouve que sa femme n’a plus sa virginité, ne devra en aucun cas estimer qu’elle l’a perdue par une relation sexuelle à moins de réunir le nombre de témoins défini par la shari’ah. S’il l’accuse d’avoir perdu sa virginité par un acte sexuel, il commet un grand péché qui est sanctionné par Allah dans ce monde et dans l’autre, à savoir le qadhf. En effet, l'absence d'un hymen pour la femme n'est pas le signe qu'elle ait été déjà mariée ou ait entretenu un acte sexuel. C'est pour cela que les savants de notre école ont distingué entre la femme vierge (bikr) qui est celle n'ayant jamais été mariée et celle dont l'hymen est intact ('udhra'). Cette dernière est celle dont la virginité n'a été enlevée par aucun moyen alors que la femme vierge est celle qui n'a jamais été mariée, même s'il n'est pas exclu qu'elle ait perdu sa virginité par un autre moyen. Ce moyen peut être être illicite comme la fornication. Mais il peut aussi n'entraîner aucun péché comme le fait qu'elle perde sa virginité par une chute ou par la fréquence des règles.
En conclusion, sachez qu’il ne convient pas de révéler votre virginité ou même votre non-virginité à votre fiancé. A lui, nous lui donnons comme conseil d’éviter d’espionner les musulmans pour connaître leur intimité alors qu’Allah n’a donné ce rôle à personne. Le mariage se fait d’abord par l’appréciation des caractères et des comportements d’une personne au moment de la conclusion du contrat. Il ne s’agit pas de visiter son passé car la condition de probité et d’habilitation au mariage s’apprécie au moment de la conclusion. S’il a trouvé ces nobles caractères en votre personne, qu’il vous épouse selon votre caractère d’aujourd’hui et non selon les choses hypothétiques que vous auriez ou non faites avant ce moment.
Allah demeure le plus savant.
[1] Rapporté par al Tirmidhiy
ن حسن إسلام المرء تركه ما لا يعنيه
[2] Muwatta de l’imam Malik ibn Anas, chapitre du mariage, section générale
عن أبي الزبير المكي ; أن رجلا خطب إلى رجل أخته فذكر أنها قد كانت أحدثت . فبلغ ذلك عمر بن الخطاب . فضربه ، أو كاد يضربه . ثم قال : ما لك وللخبر
[3] Al Istidhkar chapitre du mariage
عن الشعبي أن رجلا أتى عمر بن الخطاب ، فقال : إن ابنة لي ولدت في الجاهلية ، وأسلمت ، فأصابت حدا ، وعمدت إلى الشفرة ، فذبحت نفسها ، فأدركتها ، وقد قطعت بعض أوداجها بزاويتها ، فبرئت ، ثم مسكت ، وأقبلت على القرآن ، وهي تخطب إلي ، فأخبر من شأنها بالذي كان ؟ فقال عمر : أتعمد إلى ستر ستره الله ، فتكشفه ، لئن بلغني أنك ذكرت شيئا من أمرها لأجعلنك نكالا لأهل الأمصار ، بل أنكحها نكاح العفيفة المسلمة
[4] Al ‘Utbiyah avec Al bayan wa al tahsil, volume 4, page 262
[5] Al bayan wa al tahsil, volume 4, page 262
[6] Minah al jalil, volume 3, page 396
Est-il possible que, comme dot, je promette à ma femme de lui enseigner une partie du coran ?
La dot est une des conditions de validité du mariage. Parmi ses caractéristiques, il y a l’obligation qu’elle ait une valeur quantifiable et non qu’elle soit symbolique, comme le fait de se marier sans dot ou le fait de réciter quelques versets. Allah a dit : « Quiconque parmi vous est incapable de se marier en (donnant) une richesse avec des croyantes libres, qu’il le fasse avec des esclaves croyantes » [1].
Le fait qu’Allah ait mentionné l’incapacité de se marier par l’absence de richesses indique clairement que la dot doive avoir une valeur monétaire. Contrairement à ce que se dit parmi les gens du commun, lire une partie du coran pour la proposer comme dot est invalide et un tel mariage devra être annulé.
Dans sa glose sur al sharh al kabir, l’imam ad Dusuqiy a dit : « Quant au fait de lire une partie du coran pour elle en la lui proposant comme dot, cela est nul sans l’ombre d’une divergence » [2].
Cependant peut-on épouser une personne en contrepartie d’un service quantifiable, comme le fait d’enseigner le coran ou une de ses parties ou encore le fait de proposer un service pour un temps ?
Dans l’école de l’imam Malik, cette question fait l’objet de divergence. L’avis le plus solide est qu’agir ainsi est interdit si on connaît l’interdiction par avance.
Le Chaykh Dardir a commenté ainsi les paroles du Chaykh Khalil ibn Ishaq dans son Mukhtasar : « [et] ils ont divergé [sur l’interdiction] c’est-à-dire de célébrer un mariage [par un service] tiré d’une maison, d’un esclave ou d’une bête dans la mesure qu’il fasse de la dot un profit tiré d’une de ces choses selon une période fixée [ainsi que de lui enseigner du coran] selon une portion limitée que ce soit par la mémorisation ou par l’explication [ ou de lui faire faire le Hajj] » [3].
Dans Jami’ al umahat, Ibn al Hajib a dit : « Quand la dot est un service comme un travail pour une période donnée ou le fait de lui enseigner du coran, Malik l’a interdit. Ibn al Qasim l’a détesté et Asbagh l’a permis. Si ce type de mariage est célébré cependant, il est valide selon le Mashhur » [4].
Dans la glose de al Dusuqiy : « En résumé, la parole portant sur l’interdiction d’une telle pratique vient de Malik et ceci est l’avis le plus solide. » [5].
Mais l’interdiction d’une telle pratique implique t-elle l’invalidité du mariage qui aura été lié avec comme dot la promesse d’enseigner le coran ? Cette question fait aussi l’objet d’une divergence entre ceux qui ont opté pour l’interdiction, la permission et la détestation. Et parmi ceux qui ont opté pour l’interdiction, une divergence existe sur la prépondérance de l’avis indiquant l’annulation du mariage avant sa consommation ou la validité sans restriction. Ce qui est rapporté des maîtres du Madhhab est, en sus de l’interdiction, l’obligation d’annuler ce mariage avant sa consommation. Mais s’il est consommé, l’homme devra verser la dot des femmes de même catégorie.
Ibn ‘Arafah a rapporté à ce propos cinq positions : « la première est la détestation (de cette pratique) mais le mariage est maintenu. La seconde est l’interdiction avec l’annulation avant la consommation et le maintien après avec la dot des femmes de même catégorie. La troisième, si ce service est accompagné d’un versement en nature, cela est permis. En l’absence, on se retrouve dans la seconde position. La quatrième, en l’absence d’un versement en nature, on revient à la seconde position. S’il y a versement, on annule avant la consommation et on maintient après contre la somme en nature et la valeur du service. La cinquième, on accepte la somme et le service » [6].
Il semble que la seconde position ait été celle des savants antérieurs du madhhab.
Dans al Istidhkar, Ibn ‘Abdil Barr a mentionné à propos du mariage en échange de l’enseignement du coran : « Ibn al Qasim a rapporté de Malik qu’il a dit : « Il n’y a pas de bien dans ce mariage. On l’annulera avant la consommation. S’il est consommé, on donnera à la femme la dot des femmes de sa catégorie ».
Ibn Al Qasim a dit : « On fera de même pour celui qui se marie en échange de l’abandon de la compensation pénale (qisas). Il lui devra la dot des femmes de sa catégorie » [7].
Al Lakhmiy a dit : « Le mariage est annulé avant la consommation et on ne lui donnera rien (à la femme). Par contre, après la consommation, il est maintenu et on donnera à la femme la dot des femmes de sa catégorie et le mari lui rendra la valeur de son travail » [8].
Cependant, nombre parmi les postérieurs ont adopté la position de la validité dans l’absolu d’un tel mariage et de l’acceptation du service comme dot, même s’il reste interdit de procéder à cela.
Ainsi, al Dusuqiy a dit : « Ce qu’a indiqué le commentateur (NDT : à savoir le Chaykh Dardir), que l’avis préférable est l’interdiction d’une telle pratique avec la validité dans l’absolu est ce qu’a expliqué l’auteur (NDT : à savoir Khalil ibn Ishaq) dans al Tawdih » [9].
En effet, le chaykh Dardir a dit : « L’avis préférable est que ce mariage est valide et maintenu, avant et après la consommation pour ce qu’il a donné comme service. Il n’y a donc pas d’annulation du mariage de même que quand il y a location de service même si cela est interdit de prime abord » [10].
Donc, selon cette prépondérance donnée par l’imam Dardir, même s’il est interdit de recourir à la proposition d’un service comme dot, un tel mariage reste valide, ne sera pas annulé et le mari ne sera pas dans l’obligation de verser une quelconque dot en nature. Cet avis a été porté par certains des savants postérieurs en considération de l’histoire sayyidina Musa ﷺ avec sayyidina Shu’ayb ﷺ et en prenant en compte la divergence entre l’interdiction absolue et la permission absolue.
L’imam al Mawwaq a dit : « Le mashhur est que ce mariage ne sera pas annulé, qu’il soit consommé ou non, qu’il donne une autre dot ou non » [11].
Le chaykh ‘Illish a dit dans ce sens : « Le mariage ne sera pas annulé après la consommation. Et le mashhur est qu’il ne sera pas non plus annulé avant la consommation et il sera maintenu avec la valeur du service, même s’il reste interdit de procéder ainsi de prime abord à cause de la divergence existante » [12].
Or cet avis soulève une question, comment interdire une telle dot tout en validant le mariage dans tous les cas ? Le chaykh ‘Illish répond à cet écueil : « Ibn al Hajib a dit à propos d’un service comme de la servir pour une période donnée ou de lui enseigner le coran : « Malik l’a interdit, Ibn al Qasim l’a détesté et Asbagh l’a permis. Si un tel mariage se produit, il est maintenu selon l’avis mashhur. »
Dans al Tawdih, (le shaykh Khalil ibn Ishaq) a dit : « sa parole [s’il se produit, il est maintenu selon l’avis mashhur] est une déduction de la position attribuée à Malik sur l’interdiction. Selon l’avis déclarant cela licite ou détestable, il n’y a pas de divergence sur le maintien du mariage. Le mariage est maintenu selon l’avis mashhur en considération de la divergence sur cette question. L’avis que défend l’auteur est considéré par l’auteur d’al jawahir comme la parole de la plupart de nos compagnons »
Il a dit ensuite : « Le propos de Ibn Rashid et de Ibn ‘Abdis Salam disant que le maintien du mariage est la preuve que le mashhur est la détestation de prime abord n’est pas pertinent. En effet, il est possible que la règle soit de prime abord l’interdiction et, si ce mariage est célébré, qu’il soit valide. C’est ce qui apparaît de la parole de l’auteur (NDT : Ibn al Hajib) car il a attribué la position de l’interdiction à Malik, comment donc l’avis mashhur pourrait être contraire au sien ? »[13].
En conclusion : Il est interdit de présenter comme dot le fait d’enseigner le coran à sa future femme. Cependant, si le mariage est conclu avec cette dot, il est valide et sera maintenu sans avoir à donner une autre dot que celle qui a été fixée.
Et Allah demeure le plus savant.
[1] Sourate an Nisa, v25
وَمَن لَّمْ يَسْتَطِعْ مِنكُمْ طَوْلاً أَن يَنكِحَ الْمُحْصَنَاتِ الْمُؤْمِنَاتِ فَمِن مِّا مَلَكَتْ أَيْمَانُكُم مِّن فَتَيَاتِكُمُ الْمُؤْمِنَاتِ
[2] Hashiyah al Dusuqiy ‘ala al sharh al kabir
[3] Aal Sharh al kabir ‘ala Mukhtasar Khalil
[4] Jami’ al Umuhat dit Mukhatasar Ibn al Hajib
[5] Hashiyah al Dusuqiy ‘ala al sharh al kabir
[6] In extenso, tel qu’il est cité dans Maram al Mujtadiy. Nous n’avons pas trouvé la référence exacte de cette parole de l’imam Ibn ‘Arafah.
[7] Al Istidhkar
[8] Mukhtasar fiqhi de l’imam Ibn ‘Arafah
[9] Hashiyah al Dusuqiy ‘ala al sharh al kabir
[10] Sharh al kabir ‘ala mukhtasar Khalil
[11] Al taj wal iklil de l’imam al Mawwaq
[12] Minah al jalil ‘ala Mukhtasar Khalil
[13] Minah al Jalil